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l'ours-polar |
Les belles histoires de l'oncle Paul
par Paul Maugendre
La chronique livres du roi du jeu de mots.
Au sommaire :
Léo Malet | « Je suis un écrivain » de Gilbert Gallerne
« Attention enfants ! et autres histoires policières » de Pascal Garnier
« Temps Noirs, la revue des littératures policières »
La réédition de la Trilogie Noire, la publication de son Journal Secret, la remise en vente des Nouveaux Mystère de Paris avec une couverture signée Tardi, le tout aux Editions Fleuve Noir, remettent une fois de plus au goût du jour Léo Malet qui fut l'un des chantres de la Capitale et le promoteur du roman noir à la française.
Il est de bon ton aujourd'hui de crier haro sur celui qui influença bon nombre de romanciers de polars, pour des idées racistes provenant d'un homme devenu aigri à la fin de son existence. Des idées pro anarchistes, libertaires, contestées aujourd'hui, des obsessions sexuelles qui firent le bonheur de certains journalistes, des sentiments parfois exacerbés à l'encontre des Arabes ou des Gitans, ce qui dans les années 50 n'était pas perçu de la même façon qu'aujourd'hui, ont déstabilisé quelques peu le socle sur lequel était édifiée sa statue.
Alfu, dans un petit ouvrage fort bien documenté, essaye de percer le personnage au travers de ses oeuvres, superposant Léo Malet à Nestor Burma. En disséquant l'emploi quasi systématique par Léo Malet du « Je » dans la narration, Alfu établit le parallèle existant entre le héros et son créateur. Sans être un fanatique de Léo Malet, quoique, ayant dévoré cette saga Burmassienne il y a une quinzaine d'années à en attraper une indigestion, il est agréable de replonger dans une atmosphère aujourd'hui estompée. Fièvre au Marais, le premier ouvrage que j'ai lu de Léo Malet, dans lequel je retrouvais ce quartier où j'ai habité avant la construction de l'usine à gaz pompidolienne, me permettait de retremper dans une ambiance quelque peu surannée. Si l'on peut être d'accord avec Léo Malet sur l'aspect inesthétique des constructions modernes érigées ça et là, on ne peut déplorer la démolition d'immeubles vétustes et laids. Alfu a réalisé un ouvrage qui, pour m'exprimer comme certains critiques, se lit comme un roman, pour ne pas dire un polar. Ce parcours d'une oeuvre, loin d'être complaisant, redonne, par les citations nombreuses extraites pour étayer les propos d'Alfu, envie de relire ces Nouveaux Mystères de Paris un brin nostalgiques.
« Léo Malet, parcours d'une oeuvre » par Alfu, Editions Encrage, collection Références n° 8, 55 francs.
Après cette approche critique plus qu'intéressante, vous pourrez lire, ou relire, d'un oeil neuf, Fièvre au Marais, Le sapin pousse dans les caves, Les rats de Montsouris, M'as-tu-vu en cadavre ? édités au Fleuve Noir.
Toujours chez Encrage, un ouvrage sympathique de Gilbert Gallerne lequel nous apprend comment devenir écrivain. Comme le rappelle si justement l'auteur, la peinture et la musique sont enseignées de plus en plus couramment, soit à l'école, soit par des méthodes appropriées vendues par correspondance ou par des ouvrages disponibles en librairie. Or le métier d'écrivain est considéré comme un don que l'on ne peut que développer soi-même, sans apprentissage venu de l'extérieur. Certes, comme pour la peinture ou la musique, il faut posséder un minimum de talent, un don inné, mais ce talent, ce don ne peuvent s'exprimer que s'ils sont encouragés, épanouis par une formation simple mais rigoureuse.
Gilbert Gallerne nous dévoile ses petits secrets, indispensables pour qui veut véritablement réussir, sur la présentation, sur la documentation, sur ce qu'il appelle les secrets des professionnels. Il nous distille, souvent avec humour, ses conseils pour la construction du récit, dans la rédaction des dialogues, du style à employer, de la mise en place des personnages, du suspense et de l'intrigue. En un mot la technique. Vers quel genre de récit se tourner afin d'écrire dans le domaine qui convient le mieux, comment une fois le livre ébauché se comporter en écrivain professionnel même si l'on n'a pas décidé d'en faire un véritable métier, comment vendre son ouvrage enfin terminé auprès d'un éditeur, souvent réticent à la publication d'un manuscrit provenant d'un inconnu, savoir frapper à la bonne porte, et ne pas se soumettre, parce que l'on est fier de son produit, à n'importe quel contrat, autant de petits trucs et astuces primordiaux. Il s'appuie sur des exemples concrets, provenant de son expérience personnelle, et cela ne manque pas de saveur.
Après, si vous êtes toujours partant, vous pourrez tenter l'aventure en déjouant les pièges qui se dresseront immanquablement devant vous. Mais ce qu'il faut avant tout, et qu'aucun manuel ne pourra vous enseigner si bien documenté qu'il soit, c'est de posséder la foi, celle qui vous ferait déplacer des montagnes, parcourir des déserts, traverser l'Atlantique à la nage.
Je suis un écrivain de Gilbert Gallerne, Editions Encrage, collection Travaux Bis, 65 francs.
Si la pratique d'ateliers d'écriture est fréquente aux Etats-Unis, il n'en va pas de même en France où écrire demeure un domaine réservé et solitaire. Toutefois, peu à peu, cette pratique commence à s'implanter et au printemps dernier, à Caen, un atelier appelé « C'est quoi ce baz'art » proposait à une vingtaine de personnes de rédiger un roman policier en quelques séances. Recherche de l'intrigue, des personnages puis rédaction. Un cas isolé pour adultes. Mais les écrivains de romans policiers sont de plus en plus sollicités pour faire partager leur expérience dans le cadre des activités scolaires. Ainsi d'octobre 97 à avril 98, Pascal Garnier et Ricardo Montserrat participèrent, dans le cadre de résidences d'écrivains, à des ateliers dans des collèges du Maine et Loire.
Le résultat de cette entreprise, qui semble enchanter les enfants y ayant participé, est édité par les Editions Siloë, sous la forme de deux petits recueils. Un encouragement ne serait-ce que pour ces écoliers qui ont côtoyé des écrivains, participé à la rédaction d'un ouvrage, souvenir palpable et tangible. L'un d'eux, un jour, se sentira-t-il la fibre d'un romancier ? Dans le recueil de Pascal Garnier, chacun a conclu par une phrase qui obligatoirement débutait par « je me souviens...». Un de ces enfants a écrit la phrase suivante qui démontre déjà un sens certain de la poésie : "Je me souviens des tartines d'imagination qu'on a beurrées de style recherché, pour finir au pain sec et à l'eau; c'est-à-dire à l'essentiel de l'histoire".
Le Mouchoir dans la plaie par Ricardo Montserrat et les Ateliers d'écriture des Mauges.
« Attention enfants ! et autres histoires policières » par Pascal Garnier et les Ateliers d'écriture des Mauges. Editions Siloë. 90 francs les deux volumes.
Je ne peux vous quitter sans vous annoncer la naissance d'une nouvelle revue consacrée à littérature noire : Temps noirs aux éditions Joseph K., celles-même qui ont édité, ou réédité comme on voudra, Les Auteurs de la Série Noire de Claude Mesplède et Jean-Jacques Schleret.
Deux noms que l'on retrouve d'ailleurs au sommaire de cette revue, qui s'annonce semestrielle (on l'eut préférée trimestrielle ne serait-ce que pour fidéliser les lecteurs), Claude Mesplède dans un article consacré à Elmore Léonard, Jean-Jacques Schleret pour la série TV de la littérature noire américaine, Fallen Angels. Franck Lhomeau, en pro, raconte l'histoire de la Blême quant à Jean-Paul Schweighaeuser, un revenant sur la scène du Polar, il nous propose un copieux dossier sur la littérature noire et policière allemande. Alors que les maisons d'éditions françaises lorgnent de l'autre côté du Rhin, de Rivages à Gallimard en passant par le Fleuve Noir, Calmann-Lévy, Ifrane et quelques autres, ce panorama était devenu quasi indispensable afin de mieux connaître et apprécier ce qui se passe au-delà de nos frontières. En Allemagne, ils n'ont pas de pétrole, mais ils ont leur Derrick.
« Temps Noirs, la revue des littératures policières », Editions Joseph K., Nantes, 80 Francs.
Rendez-vous dans un prochain numéro pour de nouvelles belles histoires.
Paul Maugendre