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l'ours-polar |
Le temps est venu de prendre les comiques au sérieux(1)
La chronique sur laquelle vous devez garder l'oeil.
Ça n'arrive pas qu'aux autres.
Ça arrive souvent au voisin, à l'ami, au cousin du collègue qui prend le café à la pause avec vous. Tout le monde en connaît un. Au début, on est persuadé que ça ne va pas durer. Qu'il saura rebondir. Se motiver. Prendre le dessus. Que ce n'est qu'un passage à vide, un moment difficile à passer. Puis ça dure... On s'en inquiète, un peu, pas trop, des fois que ce serait contagieux. Et puis, sans vraiment s'y attendre, ça vous tombe dessus. À vous !
Au début, on est persuadé que ça ne va pas durer. Qu'on saura rebondir. Se motiver. Prendre le dessus. Que ce n'est qu'un passage à vide, un moment difficile à passer. On y voit même une chance, un signe. Puis on guette. Ça n'arrive pas. Ça dure...
On se retrouve alors à tout budgétiser ; les sorties avec les gosses, limitées, l'abonnement à la chaîne câblée, supprimée, la voiture, au garage, le cinéma, oublié, le shopping, mis de côté. Le temps est venu de faire des économies. On se retrouve au chômage à cinquante balais. Et on doute. De tout. De sa capacité, de son courage, de ses compétences dans le milieu. De son utilité.
X - ce pourrait être vous - travaillait dans l'industrie du papier et
X passe alors une annonce pour un job fictif auquel il pourrait postuler. Il trie les candidatures et en sélectionne six. Six CV pouvant lui faire ombrage dans l'obtention d'un futur boulot. Les éliminer, c'est se donner un avantage. Il décide alors de tuer ses six candidats potentiels.
Donald Westlake, grand comique devant l'éternel, à qui l'on doit le grandiose « Aztèques dansants (2) » et bien d'autres livres où il met en scène Dortmunder, le bandit malchanceux, a décidé avec « Le Couperet (3) » de tomber les masques et de rétablir une vérité libérale : je vis parce que j'ai écrasé l'autre.
X a une théorie implacable. Le meurtre est justifié et inéluctable. C'est la seule solution. S'ensuit alors une longue descente dans l'horreur, un meurtre en appelant un autre. La difficulté de tuer, le remords, le doute, la confrontation avec le quotidien. X tue parce qu'il veut vivre son confort parce qu'il a peur qu'on lui enlève sa télé, ses restaus, sa voiture. Et sa quête devient, au fil de sa narration, logique, probante, justifiée. X tue parce que la société ne lui laisse aucun autre choix. Et ça devient terrible, absurde et tellement crédible.
Vous l'avez peut-être déjà rencontré, ce cadre épuisé, à bout, qui est prêt à tout pour retrouver un job. C'est votre voisin, votre collègue, celui avec qui vous prenez l'apéro en sortant du boulot, l'ami de votre ami, le cousin de votre voisin. Il est proche de vous, vous l'ignorez, mais il est là qui vous guette. Il vous regarde de biais. Prenez garde, il a peut-être déjà en tête une solution radicale pour prendre votre place. Méfiez-vous !
1 Michel Lebrun à propos d'un livre de Donald Westlake
2 Éditions Rivages
3 Toujours chez Rivages (collection Thriller, 245 pages, 125 francs)