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l'ours-polar |
Cueillette printanière ou le cabas de la ménagère proposé Paul Maugendre
Tel le Sphinx renaissant de ses cendres, Le Poulpe revient, les bras en sémaphore, comme pour dire "ne m'oubliez pas !". Non, malgré les démêlés connus par Baleine, sur lesquels nous ne nous étendrons pas car il ne s'agit plus de littérature, non Le Poulpe n'est pas mort. Pour preuve les dernières aventures qui le mettent en scène. Et tel le Bon Samaritain, Monsieur Librio a entrepris de rééditer les premiers épisodes dont il est le héros. Ainsi Chili Incarné de Gérard Delteil.
"Un avocat accuse des militaires chiliens d'avoir monté un trafic de fausses momies fabriquées avec les cadavres des victimes de la police secrète et vendues à des archéologues." Ce petit entrefilet paru dans le Monde éveille la curiosité de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe. Mais ce sont les 100 000 francs promis par un importateur de denrées et objets d'art sud-américains, dont les fameuses momies pour le compte de musées européens, qui le font fléchir. Il se rend donc tout d'abord à Santiago, où il rencontre le journaliste qui a relaté l'affaire et l'avocat représentant l'homme qui a soulevé le lièvre. Mais celui-ci, un petit truand sans envergure émargeant à la CNI, police secrète de Pinochet, vient d'être retrouvé un poignard dans le dos, à La Paz, en Bolivie. Tête de liste d'une série d'assassinats sur laquelle le Poulpe aura bien du mal à ne pas figurer. Il sera même recherché comme étant l'instigateur de quelques uns de ces meurtres. Des militaires chiliens nostalgiques du régime de Pinochet et la CIA seront à ses trousses, mais il est trop futé pour s'en laisser conter au cours de ses pérégrinations qui le mèneront jusqu'au Mexique.
Cette histoire pourrait sembler rocambolesque mais l'on sait que la réalité rejoint, dépasse parfois, la fiction. D'ailleurs Georges Jean Arnaud avait déjà abordé ce genre de faits divers dans l'une des missions confiées au Commandeur dans "Les momies de Mexico" parue au Fleuve Noir en 1980, ce que rappelle fort justement Gérard Delteil. Cette aventure un peu inhabituelle pour le Poulpe est narrée d'une façon très journalistique et laisse peu de place à la fantaisie dont font preuve d'ordinaire les auteurs participant à la saga poulpienne. Delteil connaît bien l'Amérique du Sud, pour y avoir effectué de nombreux voyages, hors des sentiers touristiques, et cela donne un livre fouillé, carré, où le réalisme l'emporte sur l'imaginaire.
Avec Pierre Fort, dans Le mec à l'eau de la Générale, Le Poulpe s'intéresse de près à la mort supposée accidentelle d'un toubib, fondateur de Médecins des Hommes et qui depuis quelque temps s'était retiré pour exercer son art dans les Alpes, non loin de Grenoble. L'homme vivait dans un petit village et menait le combat avec les écolos contre la construction d'un barrage dans un site protégé ou encore menant le combat contre les intégristes anti IVG. Il avait reçu des lettres de menace, des inconnus avaient tagué des inscriptions stigmatisant l'avortement, mais de là à le supprimer... Pourtant Gabriel possède la conviction intime qu'il s'agit bien d'un meurtre. L'enquête va déboucher sur des magouilles politico financières, des pots de vin pour des seaux d'eau minérale. Or chacun sait que l'eau est très difficile à digérer (d'ailleurs ne dit-on pas que l'eau bue éclate !), et le Poulpe a intérêt à ménager ses os.
Toute ressemblance avec des affaires ou des personnages ayant existé est évidemment fortuite et Pierre Fort fait oeuvre de fiction, cela va de soi. Un bon Poulpe, mené avec un certain humour, dont le livre de chevet est un ouvrage de Pierre Desproges, et qui égratigne par ci, par là. La télévision, exemple : "je suis journaliste, pas présentateur TV !" ou encore " ... des infos qui n'étaient jamais passées à vingt heures dans les émissions de variétés encore appelées journaux télévisés par nostalgie", enfin la petite dernière "Autant chercher une lueur d'intelligence dans l'oeil d'un animateur de TF1". C'est pas moi qui l'écrit, c'est Pierre Fort, et entre nous, il a raison.
Les rééditions sont parfois indispensables (sauf pour les collectionneurs) afin d'exhumer des livres parus il y a quelques années ou décennies, et leur redonner vie, parfois une seconde chance, ou tout simplement permettre au lecteur financièrement moyen de pouvoir se procurer de bons livres sans pour cela mettre en péril son budget. Monsieur Folio Noir propose dans son catalogue des auteurs de sensibilité, d'horizons aussi divers que Emmanuel Errer alias Jean Mazarin, Jean Amila, Marc Villard ou F. Gonzales Ledesma.
Dans Descente en torche de E. Errer, l'auteur nous entraîne sur les traces d'un Sicilien, déserteur de la légion et membre de l'OAS, chargé d'abattre un émissaire de de Gaulle auprès des Algériens. Mais il a été manipulé par un ex OAS reconverti dans le trafic de drogue. Ce roman qui se situe en 1962, a été écrit en 1965, puis réécrit à plusieurs reprises avant d'être enfin publié à la Série Noire en 1974. Ce fut d'ailleurs le premier roman d'Emmanuel Errer à être édité et il fut suivi par bon nombre de réussites tant à la S.N. qu'au Fleuve Noir. Il contient déjà ce qui fera le succès des romans d'Errer, c'est à dire la violence de notre époque liée au terrorisme, et la manipulation des personnages par leur commanditaires. Aujourd'hui Errer-Mazarin se consacre à l'écriture de scénarii pour la télévision et le lecteur est un peu frustré.
Avec La Porte de derrière de Marc Villard, c'est plus qu'un entrebâillement, c'est une ouverture courant d'air sur un monde inconnu de beaucoup, la vie grouillante entre Blanche et la Goutte d'Or, quartiers emblématiques de Paris au pied de la butte Montmartre, refuges de l'immigration, de la drogue, d'une faune pittoresque, où l'imagerie populaire confond boîtes de nuit, marlous d'avant-guerre, striptease décadent et portiers galonnés d'or, ruelles coupe-gorge. Un livre fort, dense, dans lequel l'oeil de l'écrivain joue au photographe et restitue sous forme de témoignage-roman l'enfer du quotidien. Attention toutefois à ne pas se coincer les doigts.
Enfin pour clore cette série, La dame de Cachemire de F. Gonzalès Ledesma. Ici aussi, plus que l'intrigue composée de scènes ayant apparemment peu de rapports entre elles jusqu'au dénouement final, c'est l'atmosphère et l'évocation de Barcelone qui priment, ainsi que la personnalité même de Mendez, policier récurrent dans l'oeuvre de Ledesma et qui se montre à la manière de Maigret un homme, avant d'être un représentant des forces de l'ordre.
Récapitulation
Chili Incarné de Gérard Delteil
Librio Noir
Le mec à l'eau de la Générale de Pierre Fort
Le Poulpe n° 148, Édition Baleine
Descente en torche de E. Errer
Folio Noir n° 55
La Porte de derrière de Marc Villard
Folio Noir n° 69
La dame de Cachemire de F. Gonzalès Ledesma
Folio Noir n° 56