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l'ours-polar

JiBé toutologue

par François Braud

Se prendre pour La Bruyère quand on est un chroniqueur noir, ça démontre qu'on n'a pas demandé (et surtout reçu) un cerveau au papa Noël. Bon, mais faut me comprendre, une marée noire, la tempête, les conneries millénaristes (1), la mort de Gillot-Pétré, les copies en retard, tout ça, ça vous travaille un bonhomme. Et puis, la gueule de Jean-Bernard Pouy, elle inspire, alors... Portrait d'un toutologue (2).

Jean-Bernard Pouy aime qu'on l'appelle Poupou. Ce maniaque du vélo — pensez ! Il n'a pas de permis de conduire ! —, trouve des circonstances atténuantes à Richard Virenque, c'est vous dire pourquoi j'ai décidé de l'appeler JiBé.
JiBé a la gueule d'une serpillière. Fatigué mais toujours prêt à rendre service.
JiBé dort chez l'habitant lors des Festivals. Ainsi, le lendemain, il supporte le débarrassage des bouteilles vides et le nettoyage des assiettes prises la veille pour des cendriers, le café réchauffé, le pain brûlé, les mômes qui hurlent et les ambiances familiales au saut du lit. 
JiBé se prend pour un plombier. Il déambule en combinaison bleue, sac en bandoulière, cheveux en bataille, une clé de seize à portée de la main des fois qu'il faudrait reboulonner son pote le Gros (3), fatigué de la veille et qui trimballe sous ses yeux des poches d'humanité.
JiBé répond toujours au téléphone d'une voix essoufflée. Ce qui permet à son correspondant de se sentir important au point d'avoir fait courir son idole par sonnerie interposée. 
JiBé raccroche le téléphone après vous avoir affirmé que « sans problème, je t'envoie un texte pour ta collection Moquettes et pâtés et une critique pour ton fanzine underground plié en deux et agraphé au marteau et aux pointes de charpentier. Ha tchao tchao » conclut-il alors qu'un coursier sonne chez vous vous apportant le texte et la critique.
JiBé parle de vous à Radio Nova, dans Caïn, à la télé, à sa soeur, à son concierge et à son kiosquier. Vous vous sentez ainsi traqué par Voici et vous n'osez plus sortir de chez vous de peur d'être photographié par un paparazzi parisien sous le pont de l'Alma.
JiBé a inventé la poulpitude et en fait profiter les copains. Gabriel est un pervers polymorphe, jouisseur d'avoir un multitude de maîtres.
JiBé fume des gauloises légères à bout filtre qu'il tête du matin au soir après les avoir guillotinés de leur bout blanc ; ce qui lui permet de fumer moins.
JiBé rigole de la page blanche - d'ailleurs JiBé n'aime pas le blanc, la preuve ; il enlève le filtre de ses cigarettes - et se tord de rire devant les névrosés qui en chient pour pondre deux lignes. Jibé, c'est pas Ionesco : une page, un sandwich lui disait sa femme...
JiBé est assistante sociale. Il gère les conflits qu'il provoque. Il solutionne les problèmes que personne ne se pose. Il paye son hôtel et règle l'apéro pendant que vous avez le dos tourné. Il couche les couche-tard, il lève les lève-tôt. 
JiBé est auteur. Il aime prendre de la hauteur sur son métier d'écrivain. JiBé fait alors son cinéma. De papa, il hérite d'un amour immodéré pour les trains (et pour le vélo car JiBé n'a pas son permis de conduire (4) et l'homme se croque une oreille quand il paye plein tarif et la balance à la mer. Car il pêche. Aux anges, il voue un culte aux sexuées, à Suzanne, la belle de Fontenay. Puis il la brûle cette sainte qui lui refuse la clef des mensonges. Et les ringards, il les chasse, comme le tatou dans la pampa argentine, sous les palmiers où les crocodiles aiment à lézarder, les vaches, telle Larchmütz 5632, aiment à regarder passer les rails. Les nazes, bienheureux, comme les cinq doigts de la main, il leur fait voir la vie duraille. Et si Spinoza encule Hegel et que tout le monde le sait, c'est que la petite écuyère a cafté. L'ABC du métier, quoi...
JiBé est un saint. Mais c'est aujourd'hui qu'il faut lui parler, le lire, l'écouter, boire un verre avec lui ou plus si affinités. Après, quand il aura rejoint Arthur Keelt, quand ses livres paraîtront à La Pléiade, quand il aura le Goncourt pour son livre : « Mon cancer, vices compris », quand il obtiendra le prix Albert Londres posthume pour ses enquêtes d'investigations dans Caïn, il ne vaudra plus tripette et nous mesurerons avec peine le vide qu'il comblait. 
Lisez Jibé Pouy ! Puisqu'on vous dit que ce que gars écrit ne se trouve nulle part ailleurs.
Les Editions Stylus, courageuse petite maison d'éditons de province (c'est tout dire), publient aujourd'hui un florilège des textes de JiBé. Il y a tout et n'importe quoi pourvu que ça bouge. Des critiques, des chroniques, des textes blancs. Jibé explore tout sans consigner. Il accumule, dissèque, rigole, plonge, déflore, découvre, encense, conchie. C’est un verbologue. Agir, c'est écrire. Et écrire, c'est partir un peu quoi, non ? Mûrir, c'est le début de la pourriture. Jibé ne sera jamais adulte. Il sait trop bien ce que cela signifie. Faut pas le prendre pour un con.
Lisez « N'importe quoi pourvu que ça bouge ».
De toute façon, vous n'aviez rien à faire. Ça va chauffer vos synapses et relooker vos métastases. Alors, de quoi vous plaignez-vous ? Hein ?

N’importe quoi pourvu que ça bouge
J.-B. Pouy
Ed. Stylus, 60 francs

A commander à David Fréchet
2 avenue Pélegrin
Quartier La Croisière
84 500 Bollène


François Braud




(1) L'an 2000 n'est que la dernière année du XXème siècle. Hé oui... Il n'y a guère que les journalistes et tous ceux qui croient que c'est vrai (puisqu'ils l'ont dit à la télé !) qui ont fait les choux gras de la grande consommation. Tenez-vous bien (tenez-vous mieux !), ils vont remettre ça en fin d'année...
 


(2) Un gars qui s’intéresse à tout et à « N’importe quoi pourvu que ça bouge ».
 


(3) Patrick Raynal, directeur de la Série Noire.
 


(4) On vous l'a déjà dit.

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