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Interview
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Interview Violaine Bérot

 

Deux passions dans la vie (pour ce qu'on en sait), les chevaux et les cannelés (découverts sur le tard), Violaine Bérot concilie travail et écriture. Native des Pyrénées, elle travaille à la ville mais n'aspire qu'à une chose, rester à la campagne non loin de ses montagnes. Arrivée à l'écriture il y a quelques années, c'est une adepte des textes courts.

*Tu débutes dans l'écriture par deux romans chez Denoël (que je confesse ne pas avoir lus), tu peux nous en parler ?

Le premier c'est « Jehanne ». C'est l'histoire de Jeanne d'Arc mais refaite à ma sauce. C'est-à-dire que je ne raconte pas l'Histoire (avec un grand H) mais juste une sorte de journal intime d'une nana de 17 ans qui se barre de chez elle parce qu'elle peut plus supporter son père et parce qu'elle veut vivre des trucs pas raisonnables.

Mon deuxième bouquin c'est « Léo et Lola ». En très résumé, on pourrait dire que c'est l'histoire d'un frère et d'une soeur qui ont la trentaine, qui se retrouvent après avoir été séparés petits, et qui s'aiment un peu plus que la normale. Le problème étant que c'est pas facile d'assumer un amour physique de ce genre-là.

Puis, bien que ce ne soit pas dans l'ordre de publication (mais on connaît le nombre de manus du poulpe qui attendent d'être publiés), tu arrives au polar avec un poulpe. Alors c'est le poulpe qui t'a décidée ou tu songeais à te lancer dans le polar ?

Le polar est un genre qui m'attirait, mais j'étais persuadée de jamais pouvoir en faire parce que lorsque j'écris, je construis rien, j'invente au fur et à mesure. Ça me semblait donc pas compatible avec une enquête policière. Le déclic, je l'ai eu lors d'une discussion avec Jean-Claude Izzo. Il m'a dit : « Fais un polar, comme tu écris d'habitude. Mets un meurtre dans le premier chapitre. Et puis avance chapitre par chapitre sans savoir où tu vas. Tu cherches avec le lecteur, au même rythme que lui. Tu t'interdis de revenir en arrière sur ce que tu as écrit. Tout chapitre fini est définitivement fini. Au bout tu trouveras la solution de l'énigme. » C'était à l'époque de la sortie des tout premiers poulpes. J'ai écrit un premier chapitre. Un meurtre dans les Pyrénées. Je savais pas où j'allais. Je l'ai envoyé à Baleine. Ils m'ont répondu avec un contrat. J'avais plus qu'à écrire la suite...

Parlons de ce poulpe.
Tout se situe dans les Pyrénées que visiblement tu connais bien (t'es pas une couyès quoi). Tu peux nous en parler ?

Attention ! Au féminin, on dit « couyère » ! (c'est le très joli mot qui désigne les touristes dans le dialecte de mon coin des Pyrénées...). Oui je suis des Pyrénées et farouchement attachée à mon pays. Ce poulpe c'était l'occasion de parler de mes montagnes. Faut bien mener l'enquête quelque part, non ?

Penses-tu aussi qu'il faudrait obliger les couyès à passer un test pour évaluer leur capacité à apprécier la beauté ?

J'ai souvent pensé ça en me baladant dans la montagne. Quand tu croises des gens à Gavarnie, assis sur un âne, qui regardent rien, et que t'entends leur conversation alors qu'ils ont devant eux un paysage grandiose, t'es un peu écoeuré...

Et Gavarnie, pour toi, c'est la huitième merveille du monde ou est-ce là du pur chauvinisme ?

Va voir et tu me diras si j'exagère !

Le patois, tu le parles ?

Je le parle pas couramment, mais y a des mots qui me viennent mieux en patois qu'en français, parce que le français est parfois trop vague ou moins expressif.
En fait, dans les vallées des Pyrénées, on parle un français agrémenté de patois qui nous va bien.

L'histoire de la gamine et des yeux, un clin d'oeil à René Belletto ?

Non... va falloir que tu me files le bouquin !

Et la question classique : quels sont tes auteurs de prédilection ?

En noir : Olivier Thiébault (si je l'avais pas lu, je sais pas si j'aurais écrit « Tout pour Titou »), Thierry Jonquet, Jean-Hugues Oppel, Sébastien Japrisot. Tous les quatre pour la construction et pour le style (c'est fondamental pour moi).
En blanc : par exemple Marguerite Duras pour « Dix heures et demie du soir en été » qui est une merveille d'écriture.

Beaucoup plus dur Tout pour Titou.
Comment t'es venue l'idée de structurer le roman en faisant parler tout le monde à la première personne ?

Comme tu l'as dit, j'avais écrit le poulpe avant. Un poulpe, il faut l'écrire à la troisième personne et c'était nouveau pour moi. Avec Titou, je suis revenue à mon vrai style : tout à la première personne. Alors quand un personnage n'a plus rien à dire... j'en fait parler un autre !

Cette idée du deuxième gamin non voulu... tu as eu une enfance difficile ?

Alors là, c'est vraiment pas une question originale ! Donc je te fais ma réponse classique : j'adore mon papa et ma maman, ma soeur et mon frère!

« J'aime regarder tourner le linge dans le hublot... » ça t'est venu comment ?

Je sais pas comment me viennent les choses. En fait j'ai l'impression de découvrir l'histoire en lisant ce que mon stylo écrit. Je réfléchis pas. Ça vient tout seul. Je sais pas expliquer.

Pourquoi faire un livre aussi noir et comment ?

Ça non plus je sais pas expliquer. Je suis plutôt gaie de nature et j'écris des trucs très noirs. Mon bouquin le moins noir c'est le poulpe... et c'est celui où je me retrouve le moins. Va comprendre...

Dans ce livre se mélangent noirceur, poésie et parfois un peu d'humour... c'était pour te donner des bouées de secours dans cette plongée dans l'horreur ?

Plus j'avançais « Tout pour Titou » et plus ça devenait noir. Comme j'écris à la première personne, c'est assez destructeur. Alors la tendresse ou la poésie, c'est vraiment mes bouées de sauvetage pour pas sombrer...

En parlant de poésie « les oreilles en couleurs » et autres perceptions de l'autre... des vieux rêves à toi ?

Non, juste un truc évident en écrivant. Je suis « l'autre », celui qui est enfermé près de la machine à laver, qui vit dans un univers tout blanc, et qui voit rien de ce qui se passe à l'extérieur. Betty, je l'imagine à travers ses yeux à lui. Et « les oreilles en couleur » ça me vient naturellement.

Dans quel état étais-tu à la fin du livre ?

Mal.

Toi qui concilies travail et écriture, quels sont tes projets ?

Parvenir un jour à écrire des livres sans me détruire comme avec « Tout pour Titou » ou « Léo et Lola ». Ne jamais devoir écrire de force (par exemple pour bouffer). Pouvoir un jour bazarder mon boulot de tous les jours pour m'installer au fond des Pyrénées avec mon homme, mes chevaux et mes bouquins...

Te fixes-tu une cadence pour écrire ou est-ce au gré de tes humeurs et de ton temps libre ?

La difficulté pour moi c'est de démarrer un bouquin. Quand je tiens enfin un début qui me plaît, j'essaie de me forcer à m'y mettre. En fait, j'écris jamais par plaisir !

Je n'ai pas encore lu de nouvelles de toi. Est-ce un genre que tu affectionnes ?

J'ai écrit une seule nouvelle. C'est dans un collectif toulousain « 13 rue Carença ». C'est un genre qui me va bien, parce que j'écris très court. Si je m'écoutais je ferais que des nouvelles. Mon seul problème, c'est qu'il en faut beaucoup pour faire un livre !

Merci bien.

Merci à toi !

L'Ours

Le dernier livre de V. Bérot : Notre père qui êtes odieux

Notre père qui êtes odieux (couverture)

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