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Interview
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Interview de Gilles Corre

A l'occasion de la parution de Saxo Solo dans la collection Instantanés de polar, chez Baleine.

Saxo solo
Baleine, avril 2000.

Max Ripoll fait partie de l'agence de détectives Todd & associés. Enquêtes diverses et variées, mais rien de bien important. La vie de Ripoll bascule le jour où un américain lui demande de retrouver son fils, un petit drogué disparu sans laisser de traces. Rien de bien transcendant mais le fait qu'il lui promette 50 000 dollars cash est tout de même intriguant. Parallèlement, Mas tente de maquiller le suicide d'un de ses clients qui s'est donné la mort en voyant les photos de sa femme en train de le tromper. Pour Ripoll, les temps vont être chargés.

Premier roman de Gilles Corre (encore un toulousain dans le milieu du polar), Saxo solo est une réussite tant ce livre est abouti. Personnages, ambiance, intrigue... rien ne manque à l'appel, l'écriture est de qualité et il n'y a rien à redire.

Gilles Corre, Saxo Solo (couverture)

 


Interview

Gilles Corre, premier livre. Le polar, un hasard ou une envie ?

Appelons ça une « envie dérivée ».

L'idée première était d'écrire un scénario. Comme je n'arrivais pas à me dépêtrer de l'intrigue, j'ai décidé d'essayer d'en faire un roman. Le processus est totalement différent. Un scénario exige de maîtriser son histoire « de l'extérieur ». La description des scènes et les dialogues s'imposent par rapport à une narration préconstruite. A l'inverse, l'écriture romanesque permet de diriger l'histoire presque malgré soi. C'est elle qui commande. En tout cas, elle m'a permis de construire un récit avec un début, un milieu et une fin.

Mis à part cet aspect « technique », l'envie d'écrire un roman est quelque chose qui me titillait depuis un moment. Voilà, c'est fait.

Saxo solo, Jazz et polar, tu ne trouves pas que ça fait un peu cliché?

Bien sûr que c'est cliché mais c'est justement ce qui est agréable avec le polar : on a pas le sentiment intimidant de venir frapper à la porte de la « Littérature » avec le souci de n'énoncer que des choses jamais dites. On essaie juste de faire entendre sa petite musique et si ça résonne aux oreilles de ceux qui vous lisent, on se dit qu'on a pas transpiré pour rien et ça fait très plaisir.

Le Jazz, musique de l'impro, ça colle avec le personnage de Max Ripoll qui décide brutalement d'improviser sa vie en franchissant la ligne rouge entre son passé de type réglo et ses fantasmes de grande vie. Et puis c'est la musique que j'écoute, la musique la plus vivante qui soit malgré les « clichés » qui lui collent à la peau (noire). Les disques cités dans le bouquin n'ont pas grand chose à voir avec le jazz de grand-papa.

Et cette érudition, qui fait penser aux livres de Marc Villard, un hommage ou non ?

Je n'ai lu qu'un seul livre de Marc Villard après avoir écrit le mien. Ca ne peut donc pas être un hommage. Mais c'est vrai que j'ai trouvé une même famille de références.

En parlant d'auteur, quels sont tes romanciers de prédilection ?

Hubert Selby Jr pour son humour noir et sa maîtrise formidable à décrire des personnages de looser contemporains. J'aime bien les histoires de looser. Dans notre société de « gagneurs » ce sont ceux qui ont le plus de choses à nous apprendre. Côté polar, je citerai Westlake et Marc Behm, plus particulièrement A côté de la plaque, titre ô combien emblématique de ce que je viens de décrire. Parmi les « géants », Nabokov pour son humeur féroce, Dostoïevski pour la folie démesurée des personnages et Paul Bowles pour son inquiétante étrangeté. Et puis Paul Nizon parce que c'est lui qui m'a vraiment donné l'envie de « passer à l'acte ».

« Paris méritait sa réputation de plus belle ville du monde... » C'est un toulousain qui dit ça ?

Un auteur toulousain qui situerait son roman à Toulouse, c'est pas un peu cliché ? Plus sérieusement, on peut admettre que Paris est la ou l'une des plus belles villes du monde même lorsqu'on habite une ville agréable de Province. C'est la même chose que pour mon métier de réalisateur où je revendique de pouvoir considérer la planète toute entière comme un territoire à parcourir. Paris (où j'ai vécu quelques temps) comme Barcelone ou Amsterdam fait partie des villes que j'aime retrouver parce qu'il y coule sans cesse un sang neuf. J'avoue aussi qu'à force de ressembler chaque année davantage aux clichés qui collent à sa brique rose (avions, rugby et compagnie...), Toulouse m'apparaît aujourd'hui comme une ville aussi facile à vivre que pauvre pour l'inspiration. Certains de mes talentueux confrères y trouvent matières à leurs sombres histoires. Quant à moi, ça viendra peut-être... La substance est là, on peut la sentir remuer, mais elle couve sous trop de conformisme.

Espagne, Hollande, c'est un véritable road-movie. Tu avais une idée en tête ou tel le saxophoniste, tu t'es laissé porter par les notes?

La petite musique de l'Europe qui se lit dans le parcours de Max n'est pas innocente, c'est vrai. Ca rejoint ce que je disais plus haut : cette envie d'ouvrir nos histoires individuelles à leurs dimensions réelles, celle d'une Europe dont on parle beaucoup et qu'on connaît très mal. Mais Max aurait pu tout aussi bien prendre un 747 pour Hong-Kong ou Salvador de Bahia. C'est d'ailleurs ce que fait la dame de ses rêves impossibles en allant se refaire une jeunesse à Buenos-Aires.

Et les femmes, omniprésentes ?

Les femmes ? Il y aurait trop à dire. Alors, ne disons rien.

Pour en finir avec le Jazz, connais-tu Christophe Mager ?

J'avoue que je ne connais pas Christophe Mager. Mais puisque tu as un goût sûr (l'opportuniste!), je l'ai inscrit sur ma prochaine liste d'achats polar.

L'avenir, un prochain polar ?

On y prend goût à fouiller son côté sombre pour en tirer des histoires. J'ai le sentiment que je suis loin d'avoir tout épuisé de ce côté-là...

Des choses à rajouter ?

Réponse dans le prochain bouquin !

Merci.

L'Ours

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