retour a l'accueil accueil -> auteurs -> embareck

Portrait d'auteur
l'ours-polar

Présentation de Michel Embareck

par Luc Baranger

En 1952, le rock'n roll balbutiait. Michel Embareck aussi. Né dans cette vallée du Jura dotée d'un micro climat qui la fait surnommer la Petite Sibérie, l'homme n'a jamais souffert du froid, ni aux yeux, ni ailleurs. La modestie de sa famille ne le prédisposait pas particulièrement à devenir aujourd'hui l'une des plumes les plus acérées du roman noir. Il fit Sciences Po, peut-être pour étudier les rejetons d'une bourgeoisie qu'il n'a jamais portée dans son coeur. Il suffit de lire ses derniers romans « Cloaca maxima » (L'Archipel), « La mort fait mal » (Gallimard série Noire) pour s'en convaincre. Et ce n'est pas sa prochaine production, « Le rosaire de la douleur » (Gallimard série Noire) qui y changera quelque chose. Il y a du Embareck pur sucre dans les réflexions de Victor Boudreaux, son héros récurrent made in Louisiana.

Si le ras-de-marée punk ne l'avait pas emporté, Embareck serait peut-être devenu l'un de ces ronds de cuir besogneux à la vie tracée au cordeau. Pour mieux respirer la musique qui lui a toujours servi d'oxygène, il devint rock critic à Best (le vrai, celui de la lutte fratricide avec Rock & Folk), ce qui lui permit de côtoyer le gratin carbonisé d'une époque récente, déjà devenue mythique, où s'entrechoquent les fantômes des sex pistoleros suspendus à l'Histoire par des épingles à nourrice. En 85, pour ne pas perdre le fil de sa vie, Michel écrivit « Sur la ligne blanche » (Ed. Autrement) et toucha le Poker d'as dans « L'année du Polar » de Michel Lebrun. Embareck comprit alors qu'il avait peut-être des atouts littéraires dans sa manche. Depuis, il nous les sort un par un, à son rythme, celui du twelve bar blues des bayous mélangé aux langueurs sablonneuses des grèves de Loire. C'est là qu'il vit aujourd'hui : dans notre vallée des rois.

Après quelques romans intimistes comme « Une rue à ma fenêtre » — Balland (qui, depuis la disparition des seigneurs, Blondin, Boudard et Audiard, sait encore servir au lecteur sur un plateau les réparties gouailleuses du zinc du Bar des Arcades ?), le poignant et corrosif « Cochon pendu » (où, après lecture, plus d'un jeune cadre dynamique a dû considérer la vanité de son existence et le suicide avec circonspection) ou le remarquable « 2 - 1 = 0 » — Lieu Commun (a-t-on déjà traité du divorce avec autant d'émotion ?), il s'est mis à régler son compte à la société, armé d'un stylo particulièrement dévastateur.
Tout comme Robert Johnson au fameux carrefour de Clarksdale, Mississippi, Michel Embareck a conservé une âme d'enfant qu'il est toujours prêt à damner pour aller faire une virée du côté d'Austin, Texas, là où l'image spectrale et bluesie de Steve Ray erre à jamais.

Luc Baranger

-> L'interview

Ours qui peint (dessin)

l'ours-polar©2024 | accueil | haut de page