retour a l'accueil accueil -> auteurs -> harvey

Interview
l'ours-polar

Interview de John Harvey

-Comment vous est venue l'idée de l'inspecteur Charlie Resnick, d'origine polonaise, divorcé qui le vit mal, vivant avec quatre chats (ce qui lui occasionne plus de contraintes que s'il avait des enfants), aimant le jazz ?

Resnick s'est formé à partir d'une série de conversations avec l'auteur britannique Dulan Barber, maintenant disparu, qui a écrit des romans policiers sous le nom de David Fletcher. J'ai fait de lui un polonais, car je voulais évoquer un homme qui faisait à la fois partie de la ville où il avait grandi, mais aussi un « outsider », un étranger. Polonais également car il y a une importante communauté polonaise à Nottingham, qui avait fui la Pologne au début de la seconde Guerre Mondiale. Il aime le jazz parce que moi aussi j'aime le jazz, et je voulias un prétexte pour parler de cette musique.

Etes-vous comme lui un adepte des sandwiches divers et variés ?

Je n'aime pas particulièrement les sandwiches. La bonne nourriture est bonne, quelle quel soit.

Le jazz est omniprésent, cela fait-il aussi partie intégrante de votre vie ?

La musique joue un rôle important dans ma vie, depuis le début de l'adolescence ; le jazz est peut-être ce que je préfère.

Tous vos personnages sont très travaillés, ils ont une véritable densité, sont très humains et ne cessent de se débattre avec le quotidien. C'est visiblement un aspect très important pour vos romans. Pourriez-vous nous expliquer cet aspect de votre écriture ?

Pas vraiment. Je suis un écrivain ; la façon dont vous analysez mes personnages semble être ce qui fait tout bon écrivain. La profondeur, la densité, l'humanité, l'effort, n'est-ce pas la nature même de la fiction ?

Ce n'est pas que la vie de Resnick qui évolue, c'est une véritable Saga du CID ... pourquoi rester avec ces mêmes personnages ?

Je voulais présenter un groupe de gens qui travaillent en étant tout le temps stressés, pour montrer un aspect de leurs interactions, leur vie privée et professionnelle. En cela, j'ai été fortement influencé par « Hill Street Blues » qui a aussi influencé « Hard Cases », une série dramatique à la télévision sur le système de liberté surveillée de Nottingham, que j'ai écrite avant les livres de Resnick.

John Harvey (photo)

Que pensez-vous de la société anglaise actuellement ?

Ce que je pense de la société anglaise se trouve dans mes romans.

Quels sont les écrivains que vous préférez et que pensez-vous de la jeune vague d'auteurs anglais (Bill James, Nicholas Blincoe, Christopher Brookmyre...?)

L'auteur de polar qui m'a donné le plus grand plaisir, et qui a été source d'inspiration, c'est Elmore Léonard. J'aime également beaucoup les oeuvres des américains Daniel Woodrell et Andrew Coburn, et les auteurs britanniques comme Bill James et Brian Thompson.

J'admire quelques auteurs britanniques, mais peu de « jeunes ». Bill James est très bon, et je suis ravi que Rivages le publie maintenant en France. Je lis aussi avec plaisir Ian Rankin, Stella Duffy, Reginald Hill et quelques autres.

Night Dogs, par Kent Anderson, sur un vétéran du Vietnam qui maintient l'ordre dans les rues de Portland, dans l'Oregon, est un des polars les plus passionnants et les mieux écrits que j'ai lu depuis longtemps.

Parlons de vos livres, dans leur ordre de parution en France :

1er livre Lonely hearts

Première aventure de Charlie Resnick. En toile de fond l'affaire d'abus sexuels sur enfants. D'entrée de jeu, on voit l'inspecteur Resnick comme un être profondément humain (il pleure en pensant aux viols d'enfants, il est très perturbé par sa déposition dans cette affaire qui lui tient beaucoup à coeur... ). Pourquoi lui avoir donné ce trait de caractère ?

L'histoire des mauvais traitements aux enfants correspond à la frustration qu'éprouve Resnick à cause de son manque d'enfant, de son mariage raté et de sa tentative d'entamer une relation avec Rachel, qu'il semble considérer comme une mère possible pour un éventuel enfant.

On reste un peu sur sa fin quand aux motivations précises de Doria, pourquoi une fin si abrupte ?

Je ne voulais pas trop expliciter la motivation de Doria, mais plutôt amener le lecteur à revenir en arrière dans le livre pour qu'il trouve seul les clés, mais après coup, je pense que j'aurais dû être plus clair et plus explicite.

2ème livre Rought Treatment 

J'ai l'impression qu'il manque un épisode entre Lonely hearts et Rought Treatment, sinon pourquoi avoir supprimé le personnage de Rachel Chaplin ?

Je ne voulais pas écrire un deuxième livre qui serait la réplique du premier ; je voulais qu'il ait une « vie » propre. Au début, je ne pensais pas que ce serait une série plus longue. J'imagine que Rachel, traumatisée, a entrepris une thérapie et est partie dans une autre ville pour retrouver confiance, panser ses plaies, se retrouver à nouveau.

Pourquoi avoir crée le personnage de Jerzy, cambrioleur au grand coeur ?

Je pense que la scène d'ouverture entre deux cambrioleurs doit beaucoup à Elmore Leonard, avec le ton de la plaisanterie sur lequel il pourrait commencer un livre : par une conversation entre deux petits escrocs. Quand j'ai commencé le livre, je ne pensais pas qu'ils deviendraient des personnages aussi importants, mais j'ai aimé cette dynamique entre eux, ainsi que l'idée de ce cambrioleur costaud, au bon coeur, qui par de nombreux aspects est un miroir de Resnick lui-même. Grabianski est présent à nouveau dans un livre et plusieurs récits.

Pourquoi Charlie Resnick n'arrive-t-il pas à aboutir avec les femmes ?

Charlie manque d'assurance avec les femmes, il est trop sérieux, il n'arrive pas à se détendre. Par la suite, il a plus de succès, et est même presque heureux. Mais les lectrices l'aiment beaucoup.

3ème Cutting Edge 

Vous connaissez bien le milieu médical ou avez-vous travaillé sur documents ?

J'ai un ami proche qui travaille à l'hôpital.

Resnick revoit sa femme, ça se passe mal. Pourquoi lui infliger cet événement ?

Ce n'est pas moi qui rend la vie de Resnick difficile, c'est sa vie, il est tout le temps sous pression, c'est ce qui le rend intéressant, ses façons de réagir à la pression. Elaine réapparaît ici, et plus tard dans Wasted Years ; c'est une histoire qui doit être racontée en entier, elle n'est pas terminée pour l'instant ; c'est comme les histoires de notre vie qui sont inachevées.

Pourquoi l'épisode du clochard dans la vie de Resnick, qui est déjà assez difficile ?

Le musicien alcoolique (ce n'est pas un vagabond) correspond à la passion du jazz de Resnick, avec son passé, et c'est une occasion pour lui de montrer sa compassion. Le musicien réapparaît aussi plus tard.

4ème, Off minor

Vous aviez déjà abordé le thème de la pédophilie, pourquoi le développer?

Ce thème réapparaît pour les mêmes raisons que celles exprimées à propos de Lonely Hearts, et parce que les mauvais traitements aux enfants est un sujet souvent présent dans les médias de ce pays. C'est un sujet intéressant.

En général, tout ne se passe pas trop mal dans vos livres, pourquoi faire mourir Patel ? Est-ce pour nous démontrer qu'une fois de plus la vie est injuste et cruelle ?

Je n'avais pas l'intention de tuer Patel, mais ayant conçu Ray-o comme bourreau potentiel d'enfants, je ne voulais pas que son histoire finisse banalement ; c'était aussi une conclusion triste mais naturelle du racisme violent et irréfléchi qui envahissait Ray-o de temps en temps. Ray-o apparaît aussi dans d'autres livres, plus tard.

5ème, Wasted years

C'est le premier livre dont la construction n'est pas linéaire. Pourquoi ?

Les modifications, dans la chronologie, conviennent, je pense, à cette histoire qui a son centre dans le passé. C'est aussi parce que je voulais voir si j'étais capable techniquement, de produire un si gros flash-back au milieu du livre et ensuite revenir dans le présent, ceci sans perdre le lecteur.

Je ne suis pas très érudit en musique, Wasted years, est-ce une chanson qui a compté pour vous ?

Les paroles de Wasted years, c'est moi qui les ai inventées. Quand j'ai adapté le roman pour la BBC radio, mon amie Liz Simcock écrivit l'air, et ensemble nous avons composé d'autres paroles ; l'actrice Gillian Bevan les a chantées sur la bande-son.

(Traductions Y. Lacour et D. Sunder)

Normalement, l'interview est plus longue,
mais pour en savoir plus sur John Harvey et Charlie Resnick,
le mieux est d'aller surfer sur: www.mellotone.co.uk

l'ours-polar©2024 | accueil | haut de page