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Interview de Joël Mespoulède

Alors ce premier roman. Cela n’a pas été trop dur ?

Oui et non. Non, parce que si c’était dur je ferais autre chose. Ecrire des saloperies c’est avant tout un plaisir. Sinon pourquoi le faire. Et oui dans la mesure où j’avais besoin d’un travail d’éditeur et de retravailler. J’avais conscience de certaines faiblesses sans toujours réussir à identifier lesquelles, raison pour laquelle je préférais trouver un petit éditeur, un artisan pas un industriel qui a besoin d’un produit fini à reproduire. Paul Aubry-Lecomte m’a aidé à reprendre certains points. J’ai beaucoup retravaillé certaines parties, spécialement le début. J’ai du mal avec les débuts. Moi je suis un gars laborieux, faut que je bosse vachement pour arriver à quelque chose.

L’escalade est votre marotte, en pratiquez vous autant que votre petit trio ?

J’ai beaucoup grimpé à une période de ma vie. Ayant découvert cette pratique sur le tard je sais que je n’arriverai jamais à un niveau très élevé. Depuis un an, pour des questions de disponibilités je grimpe quasiment plus. Cela étant je continue chez moi à pratiquer des exercices d'entraînement, pour ne pas perdre la main. La grimpe demande un investissement personnel énorme et une discipline de tous les instants quand on veut avoir une progression. Dès que j’ai plus de temps, j’y retourne.

Dans le livre, les trois protagonistes vivent ensemble, êtes-vous un adepte de ce mode de vie ? Ou l’écriture est-elle pour vous un exutoire à une vie sexuelle difficile ?

Les trois protagonistes répondent avant tout à un problème scénaristique. Les deux personnages masculins, Franky et le narrateur, qui a aucun moment n’est identifié nominativement, correspondent pour moi à une même « entité fictionnelle » (houla !). C’est le même personnage. J’ai scindé les contradictions de chacun en deux et en ai fait deux perso. Franky représente la part « exaltée », « romantique », le narrateur la part « raisonnable » au désir de reconnaissance sociale le plus marquée. Toute histoire repose sur un conflit, il y a donc aussi conflit entre ces deux personnalités. Par ailleurs, au départ j’avais pensé à un couple, outre que cela rappelait un peu trop une affaire qui a défrayé la chronique quelques années auparavant, l’histoire ne fonctionnait pas. Même chose avec le quatuor. Restait donc le trio.

Personnellement je ne suis adepte d’aucun mode de vie, chacun se démerde, s’adapte. Quant à savoir si l’écriture est un exutoire... Sincèrement je crois pas. Cela étant, une amie m’a fait remarqué qu’il y a toujours une histoire de couple dans mes textes... J’ai une vision très romantique des rapports homme-femme. L’interrogation amoureuse est au centre de mon questionnement.

La vie en dévers de Joël Mespoulède (couverture)

La petite Marie, on la voit, on la sent, sur toutes les coutures... une frustration ?

Del Pappas expliquait quel meilleur endroit pour rencontrer des belles filles que la fiction. Moi j’irais jusqu’à dire que si on peut pas être amoureux de ses personnages féminins... Le reste après va de soi.

L’élu du peuple, corrompu comme tout. C’est assez classique et assez banal, avez-vous pensé à quelqu’un en particulier ?

C’est tristement banal et classique. J’ai plutôt pris plusieurs élus locaux et leurs travers que j’ai réuni en un seul personnage. Le type élu local qui dit : si j’ai pas ma sortie d’autoroute je délocalise ma boîte, existe. Je suis assez sidéré par le manque de projection de désir ou de projet de la plupart de nos élus, ainsi que par leur avidité. En fait je suis assez d’accord avec Constantin Castoriadis. La république a été accaparée par une caste d’individus auto-proclamé « spécialiste » de la chose politique. Or la chose politique doit être la plus partagée qui soit dans la société. C’est celle qui concerne chaque citoyen qui a les mêmes droits et devoirs que tous les autres. Le mieux c’est de relire ses textes. Il explique ça vachement bien. En fait il explique pourquoi on devrait tirer au sort les citoyens chargés de faire les lois au lieu de les élire.

Dans votre polar, la description de la ville importe peu. Pourquoi ce choix ? Est-ce en réaction à cette vague d’auteurs qui ne peuvent s’empêcher de chanter les louanges de leur ville dans leurs bouquins ?

C’est amusant, certains amis ont reconnu le décor. C’est une ville du grand sud-ouest, Bordeaux, Toulouse, Albi, Rodez, etc. J’ai pris plusieurs petits bouts par ci par là en fonction des besoins du scénario.

Marie est assez écolo. Et vous ?

Non. Les gens plein de certitudes me fatiguent.

Ce cheminement pour arriver au terrorisme... l’avez-vous eu ? Est-ce un rêve ?

Qui n’a pas eu un jour le désir d’écrabouiller les malfaisants qui nous entourent. Je m’étonne qu’il n’y ait pas plus de gens qui aient cette démarche. D’autant que l’on voit certains groupes radicaux entre autres dans les pays anglo-saxons qui ne sont pas loin de basculer dans la clandestinité. La question c’est : qu’est ce qui déclenche le processus révolutionnaire. En fait celui-ci n’a pas lieu quand tout va mal mais quand, après une période de crise, la crispation des élites traditionnelles autour du pouvoir empêche un renouvellement naturel de ces élites.  Ceux qui aspirent à « participer du pouvoir » sont alors contraints à l’action violente... C’est une vision certes bourgeoise du processus révolutionnaire, au sens marxiste du terme, mais Patrick Raynal n’est-il pas un ancien de la gauche prolétarienne, Michel Field ex LCR, Serge July ex-mao, Ronny Braumann ex-mao. Tous ces individus maintenant embourgeoisés n’ont-ils pas rêvé d’être des « professionnels » de la révolution en leur temps ?

Quels sont vos projets ?

Je termine un deuxième bouquin. Et je sais de quoi traitera le troisième. Je commence à le percevoir, dans sa forme.

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Ouais. Je suis bien content d’avoir trouvé Largo éditions. Je crois de plus que Largo a sa place dans le PEF (Paysage Editorial Français), une identité et je me sens très en phase avec celle-ci. Je vois pas trop chez qui j’aurais pu aller...

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