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l'ours-polar |
Patrick Pécherot
La nuit était douce, mais assez quelconque et rien ne la désignait comme capitale pour accoster ; une nuit de juin qui se vautrait dans le faubourg. Que fera donc cet homme quand il abordera la rue de la Roquette, sa serviette de cuir au bout du bras ? Peut-être étudiera-t-il le déplacement permanent des trottoirs de la Bastille ? Peut-être cherchera-t-il son chemin à travers la foule des samedis soirs, guidé par un frisson de tango d'abattoir.
Comme nous le savons, les faubourgs sont des ports, donc cet homme là est bien à sa place dans l'histoire, planté comme un marin à terre, la tête dans les étoiles.
C'est ce soir là que nous l'avons rencontré. Au Loup du Faubourg, Eliane Lambert chantait des tangos. Il repartait déjà quand nous avons parlé des polars, ses îles noires et de Tahiti, son île dévastée par des vagues tricolores. Nous avons parlé longtemps et pris rendez-vous pour l'automne.
Il est arrivé un soir de novembre, les bras chargés de fleurs exotiques ; Christiane et Lisa l'accompagnaient, cela restera la seule entorse à sa naturelle réserve. Nous avons lu Tiuraï, qui venait d'être édité à la Série Noire, chanté les bateaux qui arrivent à Tahiti pour retrouver et parents et amis, et décoré le cabaret de lampions de 14 juillet — ce qui se justifiait par le fait que nous étions à la Bastille et que nous parlions de Tahiti. Des Guinness brunes comme le soir coulaient comme dans la chanson de Léo. Peut-on manger du pâté de corbeau en lisant Edna O'Brien ?
De saison en saison, Pécherot est devenu le fils du Loup.
De ses absences nous recevions des cartes d'escales et des nouvelles noires des victimes de toutes les guerres, des lettres du front du dérisoire.
La nuit des cabarets ressemble aux scènes des théâtres. Chacun y tient son rôle et repart, le personnage seul subsiste.
De Patrick Pécherot nous ne savons rien d'autre, sinon qu'il aime écouter le swing des manouches aux heures indécises de la nuit, qu'il a la grâce et la force des hommes qui savent pleurer, qui apprivoisent les mésanges et qui luttent pour exterminer les démons.
Franciscain ce marin-là ?
En tout cas humain et fraternel.
Nous avons reçu Terminus Nuit. Lorsque l'auteur d'un livre est un ami, on en aborde la lecture avec la crainte et la joie de deviner, de le découvrir avec l'attente de le retrouver debout, fidèle.
Avec ce Pécherot de Terminus Nuit, nous errons dans nos adolescences teigneuses; nous retrouvons Paris de nos illusions et de nos combats romantiques, de la merde et du sang, des archanges et des salauds.
Alors il est temps de préparer une nouvelle tanière pour arpenter les nuits des faubourgs et fêter tendrement ce fils. May Saint Patrick protect Guinness drinkers.
Marie Pierre de Porta et le Loup du Faubourg
Premier
interview / second interview
Bibliographie
Tiuraï
Gallimard, Série Noire, septembre 1996
Lorsque Terii sort de prison, il n'a qu'une idée : faire un petit coup médiatique en déployant de sa pirogue, sa banderole « Tahiti libre, non à la bombe » lors du défilé nautique du 14 juillet. Mal lui en prendra, il ne pourra éviter un torpilleur et mourra coulé. En prison une mutinerie se déclenche « ils ont tué Terii ». Trois détenus en profitent pour se faire la belle. Cinq jours plus tard, le directeur de la prison est assassiné lors d'un cocktail. Les évadés sont immédiatement accusés. Enfin quelque chose d'intéressant pour Thomas Meckert, journaliste aux Nouvelles Dépêches qui se morfond dans les articles lénifiants, qui va pouvoir aller fouiner, fureter, enquêter et s'engouffrer dans la brèche creusée dans la respectabilité de l'histoire « officielle ».
A Tahiti, seuls les lagons sont transparents ; lorsqu'on gratte le corail, l'envers du décor est moins reluisant et le fameux axiome comme quoi « Le nucléaire est sans danger »... Avec ce premier roman Patrick Pécherot a marqué un grand coup tant par la qualité de son histoire que par son style.
Terminus nuit
Gallimard, Série Noire, novembre 1999.
Thomas Meckert, rentré de Tiruaï, est un peu à la dérive. Il végète en attendant de retrouver son statut de journaliste et pour survivre, écrit un peu n'importe quoi, n'importe où, « sans style ». Paris connaît sa période des grandes grèves et d'attentats islamistes. La police patine sur la piste islamiste jusqu'au jour où elle se glorifie d'avoir le signalement d'un des poseurs de bombes. Immédiatement son portrait est dans toute la presse. Par hasard, Meckert reconnaît l'homme. Loin d'être « l'ennemi public numéro 1 », c'est en vérité un simplet qui a déserté de son régiment d'infanterie après avoir tué un sous-off, « A première vue, il ne colle pas vraiment avec le look terroriste ». Thomas prévient Mak, son ami d'enfance qui est flic. Il contacte la P.J et se fait envoyer sur les roses. Dégoûté, Meckert va mener son enquête mais, hasard ou coïncidence, les ennuis vont lui tomber dessus un par un.
On ne peut qu'être impressionné par « Terminus nuit » qui allie une superbe qualité d'écriture à une intrigue bien ficelée. Cela confirme le talent de Patrick Pécherot et renforce encore l'impatience à attendre son prochain livre.
Il existe aussi une nouvelle publiée dans le recueil collectif de nouvelles Villefranche, Ville noire, Zulma, Quatre-Bis, octobre 1997.
Des méduses plein la tête, une BD en collaboration avec Jeff Pourquié (Casterman). L'auteur en parle dans le second de nos interview.
Premier
interview / second interview