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Interview
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Interview de Michel Steiner

-« Écrire des romans est une pratique un tantinet délirante, et je crois bien qu’aucune autre activité créatrice ne réclame autant la critique des autres, laquelle, bonne ou mauvaise, est également réparatrice. Les romanciers sont des êtres abîmés qui demandent réparation. Voilà le « pourquoi » de Mainmorte ! Le second bouquin, je l’ai écrit pour me faire pardonner le premier, quant au troisième, ? tout juste terminé ? c’est vraiment histoire de m’excuser des deux précédents. » Michel Steiner
 

Dans vos deux livres, le poker est particulièrement présent ; je présume que c'est le cas dans votre vie ?

J’ai beaucoup flambé. Nous étions une dizaine de psy, une bande d’amis, à jouer une fois ou deux par semaine. Une publication est sortie de notre fosse commune : Le joueur et sa passion, études psychanalytiques et littéraires. Bref, nous savions de quoi nous parlions, nous ne nous sommes pas comportés comme ces êtres aseptisés qui parlent de l’alcoolisme sans avoir jamais bu, et je crois bien que c’est tout à notre honneur.

Pour information, sachez que mon troisième roman traite du jeu ? du joueur ?, disons d’un joueur qui n’apprécierait pas plus que ça celui de Dostoïevski.

Les flics ne sont pas trop mal présentés (bon, à la section Chiffre, ils sèchent un peu sur les intrigues tout de même), vous les voyez ainsi ?

Les temps changent : songez aux gendarmes pyromanes ! Les flics sont moins terribles que les censeurs et c’est plutôt avec ces derniers que j’ai des comptes à régler...

Dans Petites morts dans un hôpital psychiatrique de campagne vous faites dire que « les psy font de bons flics » ; vous songez à une reconversion ?

Les psy, enfin, ceux qui ont un rapport singulier à la loi ? pour ne pas dire pathologique? sont plutôt du côté du censeur et lorsqu’ils penchent côté flic, ils n’en sont jamais de « bons » ! 

Comment vos livres (et en particulier Petites morts ...) ont-ils été accueillis par vos confrères ?

Petites Morts est un roman antipsychiatrique dont le titre aurait pu être : L’imposture.

Aussi, les adeptes de la chimiothérapie, les psychiatres ? ceux qui ne sont que ça ? ne peuvent que haïr ce texte, et c’est heureux !
 

A propos de Mainmorte- [critique de l'Ours]

Mainmorte de Michel Seiner (couverture)

Combien de temps avez-vous mis pour écrire un livre si "recherché" et d'où avez-vous tiré vos intrigues ?

J’ai écrit Mainmorte et Petites Morts en six mois, idem pour le petit dernier. Pour les énigmes de Mainmorte, j’avais très envie de m’amuser avec la logique du signifiant lacanien, et pondre des trucs amusants avec. Plutôt que d’éclairer du « poétique » à partir de concepts psychanalytiques, l’oedipe, la castration, le rapport au père... j’ai préféré tenter de faire du poétique avec... une vraie folie ! 

Pourquoi l'assassin cuisine-t-il les corps et pourquoi fait-il cuire chaque morceau différemment ?

Imaginairement, j’ai commencé par en mttre un en pièces, puis, je n’ai pas su quoi faire des morceaux ! Faire un puzzle de mes mauvais souvenirs ? Non ! Vous savez la suite...

Reste que je n’ai pas poussé le mauvais goût jusqu’à faire déguster ma popote par quelqu’un ! 

Un tuyau tout de même : la haine, originellement, précède l’amour et ces deux sentiments naissent des avatars de l’oralité...

Le personnage de Krems vous ressemble-t-il ; ou est-ce le portrait d'un de vos ami et confrère, qui se réunissait pour jouer au poker et qui a participé à l'élaboration du livre Le joueur et sa passion ?

Ce n’est pas moi, même s’il y a quelque chose. Non ! Il serait plutôt celui qu’à un moment de ma vie, j’aurais aimé être ! En fait, je ne suis pas certain que Krems et moi aimions les mêmes choses, mais à coup sûr, nous détestons à l’identique !

Il y a une petite tirade contre les sexologues ; vous profitez du livre pour régler quelques comptes ?

Plus idiot qu’un sexologue, ça n’existe pas ! La sexologie est l’apprentissage de la bêtise ! 

Pour être une chose pareille, Il faut méconnaître le désir, ne rien savoir de la jouissance dans son rapport aux mots et à la limite, et tout ignorer de l’irréductible écart entre le dire et le faire.

Le Nom de la Rose, un livre qui vous a marqué ?

Un chef-d’oeuvre !

Etre exonéré à vie de PV, ce serait un plaisir pour vous ?

Je supporte mal de prendre des prunes. Etre exonéré à vie, non. Mais parfois, lorsque je croise des aubergines, je songe à quelques démoniaques compensations... C’est dur, très dur de devoir payer pour rien ! En fait, ce n’est pas l’amende qui m’insupporte, mais de devoir payer pour « rien » ! 

A propos de Petites morts dans un hôpital psychiatrique de campagne

Votre livre est vraiment le catalogue des abominations commises en psychiatrie. Avez-vous eu besoin du roman noir pour dénoncer tout ceci, ou aviez-vous déjà écrit des articles précédemment ? Et des médicaments comme le Cogécinq, il y a-t-il eu un tel vent de folie autour.

Petites Morts est le premier texte antipsychiatrique que j’écris. Par le passé, j’ai fait des séminaires à l’université sur le sujet (Histoire de la thérapeutique asilaire et psychiatrique). Pendant mes études, j’ai travaillé à la promotion des psychotropes pour un gros labo. Les médicaments sont ce qu’ils sont : des horreurs, mais le discours qui les fait vendre est proprement insupportable ? Une sémantique au service du mensonge... et des mensonges au service du commerce ? Ce discours, à bien des égards, procède de la messe en Latin, il donne à croire !

S’agissant du Cogécinq et autres substances dans le genre : ces « médicaments » destructeurs existent... Hélas ! Et qu’en dire d’autre que ceci : ils soignent les institutions et non les fous !

La bulle apostolique d'Innocent VIII, Le Malleus ; comment vous est venue l'idée d'employer ces textes pour bâtir votre roman ?

L’histoire de l’hystérie est une longue, très longue histoire de fou-s-. Les 
hippocratiques traitaient les symptômes mécaniquement. Ils préconisaient un mari, ou, à défaut, des fumigations vaginales. A vrai dire, mais c’est long à expliquer, les inquisiteurs qui voyaient dans l’attaque hystérique les débordements luxurieux d’une femme qu’un amant invisible — le démon — faisait jouir, étaient plus freudiens que Charcot, qui ne voulait rien voir de sexuel dans ces débordements.

La psychiatrie se caractérise plus par ce qu’elle ne veut pas savoir que parce qu’elle sait ! Elle est une méconnaissance savante.

L’arrivée des premiers neuroleptiques dans les années cinquante n’est pas ce qui fait rompre la psychiatrie avec son passé fumeux, puis incinérateur puis asexuel. L’asexuel prend au dix-neuvième une tournure étrange puisque, si les docteurs de l’époque prônent des causes organiques (dégénérescence de l’encéphale, et plus tard des défaillances chimiques ou biochimiques du cerveau) ils ne viseront jamais à calmer la fofolle autrement qu’en allant voir et tripatouiller du côté du génital !

En écrivant Petites Morts, j’avais en tête qu’un roman noir était la seule façon d’intéresser un large public à des questions qui, hélas, n’intéressent plus grand monde. S’agissant de la folie, je tiens le triomphe des neurosciences pour une tragédie !

Mais rassurez-vous, je ne suis pas le seul antipsychiatre : nous sommes en nombre à « militer » de la sorte.

Petites mort de Michel Steiner (couverture)

Vous en voulez-vous de ne pas arriver à lire Proust ?

Je me suis efforcé de le lire. Pas tout ! Un de ses livres, un seul. J’ai une autre façon que la sienne ? radicalement autre !? de combler le « rien » et le « dérisoire » des choses de la vie. Comme cet auteur lutte contre ses angoisses ? déformation professionnelle ? me force à vous avouer qu’il me serait tout à fait possible de le lire complètement avec grand intérêt, mais à la condition, à l’unique condition qu’on me paye pour ça ! 

La 203, est-ce véritablement une de vos voitures de prédilection ?

La 203 ? J’aime. Ainsi que la 4CV, la Coccinelle, etc. Je suis nostalgique des voitures qui avaient des rondeurs !

Travaillez-vous sur un troisième roman ?

Le troisième roman est terminé. Il s’agit d’un roman noir. Il tourne donc autour du jeu ? du joueur ?, du joueur et de son désir. Et comme le désir, par définition, est toujours désir d’autre chose, j’avais à dire ! 

Son titre sera (Il n’est pas encore déposé, mais j’accepte sans problème l’idée qu’on me le confisque) Rachel : La dame de carreau.

Merci beaucoup.

Interview réalisée (par courrier) par Christophe Dupuis

Le lien : Le coin du polar

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