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Interview
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Interview d'Éric Tarrade

Eric Tarrade
Eric Tarrade

C'est ton premier livre. Est-ce le premier manuscrit ou en as-tu déjà écrit d'autres ?

J'ai d'abord écrit un premier manuscrit en 96 (refusé) qui s'appelait « Janvier par-ci par-là... »; et dans la foulée, un Poulpe « Salade landaise » dont je n'ai jamais eu de réponse. Il s'est écoulé un peu plus de deux ans entre le moment où l'idée d'écrire m'a traversé l'esprit et celui où un éditeur me dise « Okay, on le fait... ».

Tu débutes dans l'écriture avec ce polar. Est-ce un choix ou le hasard de l'histoire ?

La question ne s'est même pas posée. Gamin, je ne lisais que de la B.D., puis à l'adolescence, je me suis mis au polar et depuis j'en ai toujours lu. Ce qui ne m'a pas empêché d'aller voir ce qui se faisait de l'autre côté (un des auteurs français que j'aime le plus, c'est Jean-Paul Dubois et il n'écrit pas de polar... ). Pour moi, le roman noir est le genre qui colle le mieux à cette fin de siècle et c'est aussi une littérature qui n'a pas d'autre prétention que de divertir le lecteur en remettant deux ou trois choses à leur place. C'est une démarche qui me convient tout à fait.

En parlant de ça, travailles-tu avec un plan précis ou vous te laisses-tu emporter par l'histoire ?

Non. J'ai juste besoin d'un début qui m'accroche bien et une vague idée de la fin. Après, j'essaie de m'imposer un minimum de rigueur (ce n'est pas ce qu'il y a de plus naturel chez moi) et j'avance pas à pas tous les matins en commençant par relire ce que j'ai fait la veille. Il m'arrive de poser un plan sur ce que j'ai déjà écrit, pour vérifier que j'ai bien une progression logique dans la narration. J'ai déjà essayer de faire un plan pour ce qui me restait à écrire mais je le ne suis pas ; et ça ne m'intéresse pas. J'aime bien me surprendre...

Ton polar se situe à Bayonne, endroit que tu connais visiblement bien : es-tu un adepte de la région ?

Oui. Sans conteste. Mais si l'histoire se déroule sur la côte sud des Landes, il y a deux raisons à cela : à ma connaissance, il n'y avait pas de polar publié ces vingt dernières années qui se passaient dans ce coin-là (La clef des mensonges fait une incursion en Hautes-Landes mais ça aurait pu être dans n'importe quelle autre région boisée...) ; donc, si le bouquin n'avait rien d'original dans son récit, qu'il ait au moins ça pour lui. L'autre raison (un peu plus prétentieuse), c'est que par sa lumière, son relief, son microclimat, ses forêts, ses routes, etc. La côte sud, la bande qui longe le littoral, a une atmosphère très particulière qui ne peut être restituée dans aucune autre région. Ce n'est ni rural, ni urbain ; dans les pins, on est vraiment au milieu de nulle part. J'avais donc envie d'utiliser cette spécificité géographique un peu comme le Montana est présent chez Crumley ou comme Burke se sert de la Louisiane avec d'un côté, La Nouvelle-Orléans, ville très dure et, de l'autre, le bayou, qui est une sorte de havre de paix pour Robicheau. On retrouve ce même rapport entre la côte sud et vingt bornes plus bas, la côte basque, très urbanisée, sur laquelle on peut implanter n'importe quel crime.

Mais je ne suis très sympa avec Bayonne même ; il n'y a que le « Petit Bayonnne » (qui est une ville dans la ville) qui bouge bien. J'aime beaucoup plus Biarritz qui ne ressemble pas du tout à l'image qu'on lui colle.

As-tu lu « Les gens bons bâillonnés » de J.-C. Pinpin, qui se déroule à Bayonne mais dont l'auteur n'a pas la même vision que toi (on sent nettement qu'il n'aime pas Bayonne) ?

Oui. Je n'ai pas du tout aimé... C'est d'ailleurs une des raisons (pas la seule) qui m'avait décidé à écrire un Poulpe. Mais plus que Bayonne, c'est de Biarritz qu'il trace un portrait négatif et, à mon avis, complètement erroné. Par contre, les anges sont très drôles. Et ce qui m'a foutu les boules, mais ça, c'est pas très objectif, il est allé couler un bateau radioactif à l'endroit précis où j'allais me baigner tous les jours (Enfin, bon... j'arriverai peut-être un jour à lui pardonner.)

Dans ton livre, on assiste à l'échouage d'un cargo, y étais-tu ?

Non. Le cargo s'est échoué quand je quittais Capbreton - le jour même ou la veille. j'ai suivi ça en « live » sur France 3 Aquitaine et, au moment de rédiger, j'ai commandé une recherche documentaire à Sud-Ouest pour tout ce qui concernait l'échouage et le renflouage. C'est un centre de doc. qui fonctionne très bien.

Matthieu se réfugie dans le milieu des casseurs, chez les ferrailleurs : est-ce un hommage à « Car » de Harry Crews ? Ou connais-tu bien ce milieu ?

Ni l'un ni l'autre. La casse est venue par hasard et ça rejoint la question de tout à l'heure : j'étais parti de quelques feuillets où je racontais que le type était mal parce qu'il sentait que sa copine allait le quitter. J'y suis resté assez longtemps, à travailler chaque phrase, avant de me lancer dans le roman proprement dit. Ça représente une dizaine de pages. Dans ce tout début, il parle de sa bagnole et du moteur qu'il a lui-même changé (« je l'avais dégoté à la casse l'an dernier : trois mille balles, 180 000 kilomètres et huit jours de boulot pour le mettre en place sans palan parce que je ne l'avais pas acheté chez Richard »).

Au moment où j'écris ça, je ne sais pas du tout que Richard va réapparaître et encore moins que l'essentiel du bouquin va se passer dans la casse de son père. (Et le personnage de Jeannot, qui est celui j'aime le plus dans le livre, est né de la même façon.) Puis, très vite, je me suis rendu compte que cet endroit était métaphoriquement très intéressant ; les personnages qui y habitent sont à l'image des voitures qu'ils entassent : ils en ont pris plein la gueule, par la vie et par leur femme, sont assez méfiants et ne s'ouvrent vers l'extérieur que pour faire des affaires. Ils sont très modernes dans cette attitude presque schizoïde. Bien en phase avec notre époque. Par contre, il y a une solidarité et une entraide naturelle qui elles ne sont plus du tout actuelles (y a un ministère pour ça maintenant...). C'était donc l'endroit idéal pour permettre à Matthieu de reprendre son souffle et de le planter dans un décor où personne ne va s'aventurer. Après, je n'avais plus qu'à enfoncer le clou.

Il y est beaucoup question de photo, est-ce une de tes passions ?

Ça l'a été. Mais ça n'a pas été déterminant. Effectivement, quand j'ai commencé à aller à la fac, j'ai plus ou moins eu envie d'essayer de gagner ma vie avec ça... Le plus important, par rapport au livre, c'était comment, socialement, va-t-on habiller le héros ; et dans le cas de Gueule de bois, vu ce que j'avais envie de faire de Melville, c'était le métier qui marchait le mieux avec le tempérament du personnage.

Sur le livre est annoncé une « trilogie landaise » ; où en es-tu des deux autres volumes ? Y retrouvera-t-on certains des protagonistes de Gueule de bois ?

L'idée de la trilogie était d'utiliser la côte sud des Landes comme lieu récurent. Finalement, Melville va revenir dans le deuxième volume — même si ce n'était pas prévu au début — et Matéo (le flic de Gueule de bois) sera le personnage principal du troisième.

Mais comme j'avais déjà écrit deux manuscrits qui se passaient dans les Landes, j'ai finalement décidé, entre chaque, de faire un tour ailleurs, histoire de ne pas trop me répéter. J'en ai un de prêt qui devrait sortir en décembre ou janvier. Il se passe entre Bordeaux et le Cap-Ferret.

Ecris-tu des nouvelles ?

Jusqu'à présent, je n'aimais pas trop les nouvelles, mais celles du Monde, cet été, avec la robe de mariée m'ont fait un peu revoir ma position. Et comme tu m'a déjà posé la question, j'en ai déjà commencé une pour l'Ours qui s'appelle « A.89 (Bande d'amour d'urgence) » mais les vacances sont passées par là... J'essaierai de la finir avant l'ouverture de l'autoroute !

Eric ne nous a pas donné la nouvelle sur l'autoroute A89, mais il nous a fait l'honneur de nous donner un de ces premiers textes que nous vous présentons : Un Ange en enfer.

Chronique du livre d'Eric Tarrade, Gueule de bois chez Atout Editions

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