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Critiques de livres
l'ours-polar

Virion Graçi
Le paradis des fous
Réédition Gallimard (traduction C. Montécot), mars 2000 (Editions de L'aube 1998).

Spiros est albanais. « Dans ce pays où l'on naît pour souffrir [...] diplôme universitaire en poche, on court le monde comme des réfugiés » pour tenter d'offrir une belle maison à sa femme Lora et à son fils Tori, il immigre en Grèce pour aller louer ses bras à de mauvais entrepreneurs. « On m'avait averti, en urgence, que mon fils était malade. D'autres cigales chantaient de ce côté-ci de la frontière. Depuis treize mois, je me trouvais de l'autre côté. Par delà mon pays, Sans pays. Sans nom. Sans dignité. Sans Lora, sans Tori, sans amis ni souvenirs. Etranger.» Le quotidien est dur en Grèce et tout s'aggrave lorsque sa femme, restée en Albanie, d'un coup de folie, tue leur fils « pour qu'il ne devienne pas comme son père ». Spiros (ce n'est pas son vrai nom mais juste un patronyme « pour faire grec »), le coeur brisé, il affrontera la peur constante de la police. Il connaîtra des conditions de vie ignobles : entassés à douze dans une pièce mais toujours mieux lotis que « les chinetoques » : « d'autres albanais qui moisissent depuis des mois dans les bois. Ils sont dix, peut-être quinze ; chaque jour, un ou deux d'entre eux seulement trouvent du travail. Avec ce qu'ils gagnent, ils achètent du pain pour tous et rien d'autre [...] on les remarque : en loques, sales, affamés ». Il côtoiera les patrons qui les emploient puis dénoncent à la police pour éviter de les payer. Il endurera les la prison inhumaine : entassement, pas de nourriture, torture, viols collectifs... Il subira les retours au pays, via les cars des services de l'immigration. Et pourquoi ? pourquoi ? « Je ne sais plus que répondre. Et moi, où vais-je aller ? Où ? Où vais-je aller, moi ? Sans mon pays, sans ma langue, sans mes potes. Sans ma femme, sans mon fils, sans nom, sans dignité. Où aller ? Dis-le moi, Seigneur. Où aller ? Où ? »

Virion Graçi est professeur d'anglais dans une université albanaise. Et l'été, pour compléter ses revenus, il fait le même périple que Spiros. De cette expérience est né ce récit, des plus noirs, sombre, dur, poignant. Le paradis des fous est un roman puissant, d'une magnifique écriture, qui vous prend aux tripes. C'est un chef d'oeuvre de littérature.

Au paradis des fous (couverture)


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