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Interview
l'ours-polar

Interview de Philippe Carrese (début)

Carrese par Martine Montegrandi © (photo)
Philippe Carrese © Martine Montegrandi

-Dans vos livres, on trouve des scènes d'explosion (Le successeur), des immeubles qui s'écroulent (3 jours d'engaste), des bagnole folles (Allons au fond de l'apathie)... auriez-vous une prédilection pour les scènes de catastrophe ou est-ce une frustration de ne pouvoir en filmer d'aussi belles ?

Ça explose et ça s'écroule de tous les côtés... C'est vrai. J'ai une vraie fascination pour les scènes spectaculaires et improbables de tous les films d'action. Depuis tout petit (tout petit, déjà...), mon père m'amenait au cinéma voir des séries « b » en pagaille dont nous étions fans. Je suis toujours fan. Je te dis pas la gueule que m'ont tirée mes petits camarades de l'IDHEC (l'Institut Des Hautes Etudes Cinématographiques, c’est l’école que j’ai fait pour devenir réalisateur), quand ils ont connu mes goûts de cinéphile. Eux, c'était Godard, moi, c'était Sergio Leone et Clint Eastwood, j'étais déjà décalé. Ça s'est pas arrangé depuis. 
En tant que réalisateur de téléfilms, j'ai rajouté dans toutes les fictions que j'ai commises pour la télé quelques scènes d'explosions, de castagne ou d'échanges nourris de coups de feu. C'est vrai que ce genre de séquence à mettre en place est un exercice très jouissif, mais aussi très délicat si on veut faire des scènes bonnardes à regarder. C'est une partie du spectacle. Et ça reste du spectacle, alors que la réalité est d'une platitude absolue. Deux types qui se battent dans la rue, ça ressemble jamais à John Wayne. Un mec qui se prend une balle n'éjecte pas deux litres d'hémoglobine en tombant au ralenti à travers une baie vitrée. Une explosion, ça va très vite, ça fait pas une jolie flamme en champignon, ça fait un bruit sec et on y voit que dalle. De la poussière, souvent, des pleurs, des cris, mais pas des pirouettes en l'air au ralenti (encore). 
C'est vrai que dans mes romans, j'ai tendance à raconter ce que je visualise quand j'imagine l'histoire, donc les images qui me viennent et qui sont très cinématographiques. Un roman de fiction n'est pas un reportage criant de vérité sur la réalité, même si cette réalité me nourrit énormément. Les références au style de cinéma que j'aime est évidente. 
J'ai en projet pour l'année 2000 d'essayer de monter mon premier long-métrage cinéma, la production est en cours. Et curieusement, dans le scénario de ce film que j'ai écrit, il y a déjà quelques années, j'ai progressivement supprimé toutes les scènes d'explosions, d'accident et de courses de bagnoles que j'avais décrites dans la première version. Au final, c'est plus efficace sans. C'est drôle ! 
C'est drôle, non ? Non ! Bon... ensuite...

Sous des aspects débonnaires, il y a souvent une grande critique sociale : vous croyez plus aux vertus de l'humour pour dénoncer qu'au « roman noir » ?

La réponse est « oui ».

Bouboule, Patrice Martinez... c'est toujours de sacré nazes. Vous les aimez bien, ces nazes ?

Mes personnages sont souvent des blaireaux. C'est vrai que je les aime bien, mes blaireaux, mes enclumes, mes graines de courge. Parce que la réalité, c'est quand même ça. On est tous beaucoup plus blaireau que super héros. Personnellement, je considère comme super héros un type qui arrive à remplir un formulaire de la Sécu sans faire de gaffe et qui a tous les documents qu'on lui demande quand il fait une démarche administrative. Moi, j'y arrive jamais. Alors tu parles, les exploits spectaculaires... J'ai jamais essayé de monter sur un train en marche, mais j'imagine très bien le résultat final. Alors que des types comme Jacky Chan ou Stéphane Cigale le font très bien et tous les jours après leur petit-déjeuner, pour se mettre en forme. Le super héros me gonfle. Stéphane Cigale me gonfle (Stephen Seagal, en anglais). Le côté propre sur lui, qui fait de l'humour en souriant l'air suffisant et qui est habillé comme un homosexuel niçois à un vernissage d'art contemporain m'insupporte. Dans la vie de tous les jours, on n'est jamais habillé comme un homosexuel niçois à un vernissage d'art contemporain, et même quand on est homosexuel et même quand on va à un vernissage d'art contemporain, et même quand on est niçois. Les aventures que j'écris sont des aventures qui arrivent à des gens comme toi et moi. Ce qui est intéressant, c'est justement de voir comment un personnage très banal réagit à une situation exceptionnelle. La situation exceptionnelle peut être un deuxième Seveso qui menace tout le bassin méditerranéen ou l'ouverture d'une enveloppe trop bien collée sans coupe-papier. J'ai beaucoup d'affection pour les gens simples, les maladroits généreux. J'ai beaucoup de mal avec les gens suffisants mais pas forcément nécessaires.

Certains livres sont écrits avec le parler marseillais, d'autres non : auriez-vous des pertes d'identité parfois ?

Certains livres parlent marseillais, d'autre non. Mais c'est noooormaaal, eeeennnnfinnnnNoooooormal! J'ai parfois des pertes de mémoire, souvent des pertes de clefs ou de formulaire administratif urgent (encore), mais jamais de perte d'identité. Le langage que je mets dans la bouche de mes personnages correspond à leur milieu socioprofessionnel. Un maçon d'une quarantaine d'années des quartiers nord ne parle pas comme un nouveau riche parvenu, ni comme un vieux truand du milieu (qui, lui, ne parle pas...). Là aussi, j'essaie de coller à une certaine réalité. Et c'est surtout pas une règle (alors que j'en connais qui ont sauté sur leur dico franco-marseillais et qui s'acharnent à employer le plus de mots « exotiques » à n'importe quelle occasion pour faire plus « marseillais » dans leurs récits. Là, on navigue sur la délicate frontière entre la réalité du parler de cette ville et les clichés sur une langue et un accent « tellement sympathique »).

Il y a souvent des minots dans vos polars, n'aimeriez-vous pas les adultes ?

Dans les salons courus par la jet-set, on me pose souvent la question : dans votre oeuvre, vous décrivez souvent l'univers picaresque des jeunes et certains de vos personnages non récurrents restent très juvéniles, serait-ce parce que vous n'aimez pas le monde des adultes et leur macrocosme si mature ? Ma réponse est généralement : « Répète la question, j'y ai rien compris ».
Ta question est : Dans mes bouquins, il y a souvent des minots ? J'en sais rien. J'ai pas analysé. Mais je supporte aussi difficilement l'univers des adultes que l'univers des jeunes. Quant à l'univers des enfants très jeunes, ça m'horripile. En fait, je crois que je déteste le genre humain. Alors laissez-moi... Laissez-moi seul !!!! Non... n'insistez pas...

Des piscines taillées aux mesures des propriétaires mégalos reviennent régulièrement... Si vous en aviez une, elle ressemblerait à quoi ?

Ma piscine est en forme de piano à queue, et le plongeoir est en forme de couvercle de Steinway. Mes enfants se fracassent la tronche dans le pédiluve à chaque plongeon. C'est un simple défaut de conception, le couvercle est trop grand et le pédiluve est intégré au lutrin qui supporte les partitions. Si ma piscine avait été en forme de guitare, ils auraient pu plonger en toute sécurité depuis le levier de vibrato, mais se seraient électrocutés en arrivant dans l'eau. Forcément, une Stratocaster, c'est une guitare électrique. Le monde est mal foutu.

La vie de la cité, est presque tout le temps dans vos livres... vous la côtoyez ?

Si la vie de la cité est très présente dans mes romans, c'est effectivement parce que c'est mon quotidien. Je dirai même que c'est mon expérience de citoyen marseillais qui m'a poussé à écrire au début, et qui m'alimente au quotidien. Et c'est vrai que mon métier de réalisateur m'a beaucoup appris à ce niveau-là, surtout avec quelques travaux documentaires que j'ai faits il y a une dizaine d'années sur les quartiers en difficulté de Marseille.

Vos personnages ont souvent mauvais goût et vous ?

Mes personnages ont souvent mauvais goût ? Je me pose la question très souvent, et pas que pour mes personnages. On a tous mauvais goût. Je suis persuadé que mes voisins de l'immeuble d'en face qui étalent sur le mur de leur salon Henri II des tapisseries au point de croix représentant Bambi dans la forêt des Vosges au-dessus de leur bibliothèque en formica sont persuadés qu'ils ont très bon goût, et qu'ils ne supporteraient pas une seconde de vivre comme moi au milieu de mes tableaux de peinture contemporaine, d'écouter du Varèse ou du Dutilleux pour le plaisir, de rater exprès « Question pour un champion » et d'analyser de manière très critique les actus présentées par Claire Chazal en ricanant. Chacun son truc. Mes voisins n'admettraient pas non plus de ne pas pouvoir choisir eux-mêmes leur calendrier des postes et de n'avoir aucune attirance particulière pour les bagnoles et le foot. Ils ont peut-être raison, j’en sais rien.

Que ce soit dans Tue-les à chaque fois  où il y a une petite tirade sur « ce que la connerie humaine s'apprête à générer sur les générations à venir » ou dans votre vision de l'avenir dans « Pet de mouche et la princesse du désert », c'est sacrément pessimiste... vous êtes un pessimiste incurable ou non ?

Je dois être un pessimiste incurable, alors que j'ai l'impression d'être seulement lucide.

En parlant de Pet de mouche et la princesse du désert, c'est la seule incartade dans l'anticipation que vous ayez faite... qu'en avez-vous pensé ?

« Pet de Mouche... » est une expérience sur l'anticipation. C'est un volet qui me passionne. Je me suis éclaté à l'écrire. J'ai dans mes cartons plusieurs autres projets d'anticipation. Dès que j'aurai un peu de temps, je m'y mettrais avec plaisir.

Je vais vous poser les mêmes questions qu'à Del Pappas : Que pensez-vous de cette « vague d'auteurs marseillais » ? Avez-vous l'impression que votre succès y est lié ? N'est-ce pas trop étouffant d'être toujours classifié comme « auteur marseillais » ? N'avez-vous pas peur qu'on en vienne bientôt à « les auteurs de Picardie », « Les auteurs de la Beauce »... qu'on fasse des "Intervilles d'écrivains"?

Je suis classifié « auteur marseillais », c'est vrai. Ça ne me gêne pas d'être reconnu comme marseillais. Ça me fait rigoler d'être reconnu comme écrivain, moi qui n'ai aucune culture et aucune éducation littéraire, moi que la lecture barbe profondément à quelques exceptions près. D'un côté, la reconnaissance des particularités de cette ville par le reste du pays est un progrès. D'un autre coté, on est en train de retomber dans d'autres clichés aussi grossiers que les précédents (l'intégration, le melting-pot, la générosité, remplacent les poissonniers, Pagnol et le ferry boat). La mode passera, comme toutes les modes. Historiquement, je suis un des premiers auteurs de polar marseillais (Trois jours d'engatse est sorti en novembre 94, Total Khéops, d'Izzo, en janvier 95). Ça ne me gêne pas qu'un paquet d'auteurs profitent du courant. Avec le recul, l'écrémage se fera tout seul, on verra bien... La situation n'est pas étouffante pour moi. C'est vrai que quelques chroniqueurs de la presse parisienne ont été perturbés par « Le Successeur » parce que ça se passait pas à Marseille. Tant pis pour eux. 
Et pourquoi pas le polar Limousin ? Limoges est juste moins exotique que Marseille. Quoique... Pour les parisiens, Marseille est exotique. Pour les marseillais, Limoges est très exotique. C'est encore la loi du plus grand nombre. Il y a plus de parisiens que de marseillais, et plus de marseillais que de limougeauds.

Décortiquons un peu votre oeuvre littéraire :

Alors, mon oeuvre littéraire... pfffff !... hihi !... hum ! mon oeuvre... crrrrr... oh con ! bon, d'accord, je vais parler de mes romans.

Trois jours d'engatse 

Premier polar et d'entrée de jeu, vous dénoncez l'extrême droite et critiquez sérieusement la politique de la région... ça vous titillait depuis longtemps ? Le lexique, c'était vraiment obligé ? L'immeuble qui s'écroule, vous y avez assisté ?

Je suis allé filmer l'explosion de la barre de Frais Vallon. Ce jour est un tournant dans l'histoire contemporaine marseillaise. C'est le soir même de cet événement que j'ai commencé à écrire ce roman. Symbolique pour moi. J'en avais marre de la langue de bois, et de l'immobilisme insupportable de la classe politique de l'époque. Marseille est la plus belle ville du monde et on la laisse crever. Pourquoi ? Analysons ! C'est la question qui m'a fait écrire mon premier livre. Le lexique est venu comme un jeu, pour moi. Le but n'était pas de mettre un lexique didactique mais de terminer par un amalgame rigolo des mots utilisés même pas vraiment expliqués, juste abordés avec d’autres termes aussi bizarres. Moi, c'était juste pour rigoler. C'est amusant de voir comment, par la suite, pas mal d'autres romans marseillais ont utilisé systématiquement des lexiques très pontifiants.

Filet garni 

Les dîners avec les Padovani... votre femme vous en inflige souvent ? Gilbert à la fin qui parle avant de tuer, qui parle... (et qui se fait descendre car comme disait Tuco dans Le Bon, la Brute et le Truand « quand on tue, on ne discute pas »), vous ne trouvez pas que c'est un peu trop vu comme situation ?

Gilbert est un commercial. Il a fait sa fortune avec le commerce. Le commerce à Marseille (et dans toute la Méditerranée) se fait par la palabre. Quelque part, Gilbert se fait tuer parce qu'il ne peut pas s'empêcher de déblatérer à longueur de temps, pour frimer. C'est un des côtés que je supporte difficilement chez les latins, cette propension à parler sans arrêt pour ne rien dire. C'est rigolo, ton allusion à Sergio Leone. C'est exactement ça. D'ailleurs Leone est mon Dieu (enfin, un de mes cinq ou six dieux, avec Sam Pekhimpah, Robert Altman, Don Siegel, les frères Cohen...). 
Pour ce qui est du dîner avec les Padovani, ma femme préfère que je garde le silence. Comme le dit Toussaint Mozzigonacci dans Embrouille à Porto-Vecchio : quand on mange du figatelli frais, on ne discute pas.

Allons au fond de l'apathie 

Vous dénoncez la presse, la télé qui abrutit et « l'apathie ambiante », ce qui ne fait pas de mal et pourtant vous bossez pour la télé... n'est-ce pas là contradictoire ?

Dans ce roman, je me suis éclaté à décrire les travers et les méthodes des journalistes de la presse télévisuelle et écrite, parce que c'est un univers que je connais par coeur, justement pour le pratiquer au quotidien. Si je n'avais pas rencontré J-B Pouy qui m'a demandé d'écrire un poulpe, j'aurais de toutes façons raconté cette histoire. L'hystérie des médias et la manipulation des masses par l'information et la désinformation est un sujet qui me passionne, qui me fascine et qui est presque récurent chez moi (voir Pet de Mouche).

Le poulpe, avec l'expression favorite des marseillais, ça a du être un véritable régal...

Écrire un poulpe a été assez jouissif, surtout parce qu'il y avait dans ce personnage certains côtés qui me déplaisaient assez. Je me suis amusé à le mettre dans des situations bancales qui remettaient en doute ses certitudes et son discours un peu manichéen. Je trouve justement l'idéologie du poulpe trop simpliste et très égoïste. C'est toujours intéressant de montrer que la vie ne se résume pas à des bons et des méchants, que la réalité est beaucoup plus complexe.

CRS, militaires, politiques... vous tapez vraiment fort dans ce livre ; c'est le poulpe et son idéologie qui vous ont donné des ailes ?

De toutes façons, je ne conçois d'écrire que dans un état de jubilation et sur des sujets qui me tiennent à coeur. Tout ce que j'ai écrit jusqu'à aujourd'hui l'a été suite à une volonté complètement personnelle de raconter telle ou telle histoire. Je n'ai jamais eu aucune contrainte éditoriale. Je ne suis pas sûr de savoir écrire avec des contraintes.

Graine de courge 

Les enclumes et les graines de courge, ça vient d'où ?

Deux éléments m'ont poussé à écrire Graine de Courge. Le Ras le bol d'entendre parler uniquement des quartiers nord de Marseille (les clichés...) alors que les quartiers sud sont très intéressants sociologiquement et géographiquement, et diverses rencontres avec des enclumes du grand banditisme ainsi que la lecture au quotidien des faits divers à Marseille, plus lamentables les uns que les autres. Pathétiques. Une source inépuisable.
Graine de Courge s'est tout d'abord appelé : La vie des Poulpes. Fleuve Noir ne l'a pas pris parce qu'ils n'ont pas compris. Trop décalé, trop rigolo. Comme la série du Poulpe sortait à ce moment-là, je l'ai rebaptisé Graine de Courge simplement en voyant une réclame pour la graine de courge chez un diététicien. La graine de courge est un excellent diurétique. Graine de courge...

Vous faites allusion à Fabio Montale, à Léo Loden... vous vous connaissez bien entre auteurs marseillais ?

Entre auteurs marseillais, on se connaît. On est même assez collègues, à force de se rencontrer dans les diverses manifestations. L'ambiance est assez bonne, pas de prise de tête, on a l'impression d'être entre gens normaux, c'est agréable.

Vous faites une citation tirée de la soi-disant Encyclopédie des réflexions de J-M Jarre (qui à mon avis doit tenir sur un dixième de page), auriez vous quelque chose contre le précurseur de la musique de l'an 2000 ?

Pour ce qui est de Jean-Michel Jarre, je méprise ce genre de musicien. D'abord, ce type n'est pas un musicien. Un type qui prend la méthode rose, un orgue Bontempi un peu évolué et produit une musique (d'ascenseur en panne) aussi tragique et nulle devrait être interdit par la convention de Genève sur les prisonniers de guerre. On n'a pas le droit d'infliger une telle abomination à un être humain, même s'il est sourd. Faire fortune avec une telle escroquerie tient de l'immoralité la plus sordide. Je range dans la même poubelle Richard Clayderman pour la section Piano bastringue d'ascenseur et Claude Bolling pour la section Jazz d'ascenseur. Ce qui me gêne, c'est pas qu'ils fassent de la musique à chier, c'est surtout qu'ils le fassent avec une telle prétention et une telle arrogance.

Le Successeur

Visiblement, vous avez écrit cette histoire avec votre compère Jean-Pierre Cassely (avec qui vous avez signé Le petit lexique de ma belle Provence que j'aime, dont au passage s'il vous reste un exemplaire je suis preneur), d'où est-ce parti? Et cela a-t-il été difficile d'écrire ce bouquin à deux ?

Au départ, Le Successeur est une idée de scénario qu'on a développé avec mon ami Jean Pierre Cassely, un complice de longue date avec qui j'avais fait pas mal de délires pour la télé. Ce sujet nous intéressait, nous avons tourné un documentaire sur les Saints en Provence (Marie de Magdala, France 3) qui nous a éclairé sur pas mal de détails. Nous sommes également tombés sur un bouquin passionnant « L'énigme Sacrée » qui développait l'idée d'une filiation du Christ.

Pour une fois vous quittez Marseille (mais pour la Provence), ça n'a pas été trop dur ?

Le synopsis du Successeur n'a intéressé personne. Je l'ai donc repris à mon compte et en ai fait un roman, avec des bases historiques et théologiques solides. Je l'ai écrit seul, à partir de nos idées communes. Curieusement, Le Successeur est un des sujets que j'ai traités qui me passionne le plus, c'est le livre qui a le moins bien fonctionné commercialement. À cause du sujet ? de la promo ? du prix ? de la couverture ? Ou parce que ça se passait pas à Marseille ? J'en sais rien. Si j'avais deux livres à conseiller à de nouveaux lecteurs qui ne m'ont jamais lu, il y aurait Pet de Mouche et Le Successeur. Comme quoi...

Tue-les, à chaque fois

Bon, vous êtes un fan de Zorro (si oui, version Banderas ou plus ancienne) ?

Je ne suis pas spécialement un fan de Zorro, bien que j'aie énormément apprécié le film avec Banderas. Quand j'étais gamin, je regardais le club Mickey à la télé, et cette chanson de générique où les choeurs hurlaient qu'il fallait les tuer à chaque fois me fascinait. J'ai compris la vraie signification des paroles que bien plus tard (comme beaucoup de choses...).

Fabien, le flic, fait un blocage sur son mariage et bassine Ronaldi pendant tout le film. Vous avez eu des problèmes de ce type ou avez-vous mal vécu votre mariage ?

Fabien fait un blocage sur son mariage. Les TOC me fascinent (Troubles Obsessionnels Compulsifs). J'ai rencontré pas mal de types qui n'ont qu'une seule obsession qu'ils développent à longueur de vie. Le foot (les transferts), les bagnoles (leur nouvelle bagnole), les trains électriques (faits à la main), la maison qu'ils refont de fond en comble à la main (les week-ends), les résultats du tiercé, leur camescope, un chorus de piano qu'ils essaient d'interpréter comme Thelonious Monk depuis trente ans (à la main), leur mariage...  Là, j'ai exploité le mariage.  Mon mariage à moi, bon... Pas d'angoisse spéciale. Mais je ne supporte pas les mariages en général. Je trouve cette comédie tragique et aliénante (les photos, la famille, le buffet, le disc-jockey... voir le roman).

Ronaldi, à la fin, c'est un gros facho, avec les images atroces dans l'appartement et tout le toutim... vous ne trouvez pas que c'est un peu excessif ?

Ronaldi est peut-être excessif, mais je n'en suis pas si sûr... Il se balade à la ville comme à la campagne pas mal de cinglés dont on ne soupçonne rien. Alors, excessif ? Je suis moi-même peut-être excessif dans ce que j'écris, et encore... Souvent, la réalité dépasse tout ce qu'un auteur peut imaginer.

L'ours

Suite de l'interview (A propos de Le bal des cagoles)


Quelques Liens : 
Un long interview (par Fred Belin - Marseille, mars 1999. Sur son site perso : La rue du polar)
Philippe Carrese par lui-même

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