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Interview
l'ours-polar

Présentation et interview d'Achille Ngoye

par Paul Maugendre

*Achille Ngoye est né en 1944 au Zaïre, dans une cité minière du Haut-Katanga, près de Likasi, d'une famille nombreuse et catholique fervente. Après des études chez les Bénédictins et les Jésuites, Achille Ngoye se lance dans le journalisme travaillant à l'hebdomadaire Afrique Chrétienne, de 1966 à 1969 et crée parallèlement une revue de bandes dessinées « Jeunes pour Jeunes » (1968) et « Likembé » revue musicale. Il devient chroniqueur, domaine musical, de « Salongo » de 1972 à 1982, année où il part pour Paris. Il devient pigiste et travaille régulièrement pour le magazine « Actuel », le mensuel « Afrique-Elite », assure des pages culturelles à Libération, participe à l'émission Découvertes de Radio-France Internationale, est assistant au mensuel Latitudes ou encore rédacteur au département audiovisuel du service d'information et de diffusion du Premier Ministre (Janvier 1986 à Janvier 1991). Il participe également à la rédaction du guide Afrique à Paris (éditions Rochevignes, 1984) à l'almanach Banlieue, du mensuel « Actuel » en 1985, à la réalisation du film Black Mic Mac de Thomas Gilou, toujours en 1985, à la rédaction de deux éditions du guide Sans Visa (1991 et 1995) des musiques vivantes de l'espace francophone (Ass. Zone franche), à l'officiel 93 (ex Officiel du Rock, Centre d'information du rock et des variétés, 1992), enfin à La voiture est dans la pirogue, nouvelles d'un collectif d'auteurs pour la revue Encres Vagabondes (2000).

Sa bibliographie, encore peu conséquente, se compose de Kin-la-Joie Kin-la-Folie aux éditions de L'Harmattan (collection Encres Noires - 1993), de deux Séries Noires : Agence Black Bafoussa (1996) et Sorcellerie à bout portant (1998) et de Yaba Terminus aux éditions du Serpent à Plumes (1999). Sont en préparation Ballet noir à Château Rouge (Série Noire) et Treich Abobo, un recueil de nouvelles pour Le Serpent à Plumes dans la collection Serpent Noir.

Mais cette présentation ne serait pas complète sans les réponses aux quelques questions désordonnées posées par un amateur en fringale.

Pourquoi écrire des romans noirs ?

Primo : dans la littérature africaine, c'est un créneau inexploité, d'où son irruption — calculée — dans ce domaine. Deusio : c'est un genre plus ou moins léger. Par le coût abordable de sa production, il permet d'atteindre un public assez large et de passer des messages, sans pour autant mettre des gants comme dans le roman classique. Tertio : la vie n'est pas aussi rose qu'on a tendance à la présenter.

(Notes du scripteur impertinent : Ah bon, parce qu'il faut calculer maintenant les irruptions et se demander si elles sont cutanées ou pas ? Et pas d'accord sur le coût abordable puisque la plupart des maisons d'éditions préfèrent se lancer dans le grand format en abandonnant progressivement le format style poche moins cher pour l'acheteur, mais moins rentable apparemment pour les éditeurs. Quid du lecteur ?)

Quelle est la littérature qui se rapproche de votre sensibilité ?

Le roman historique et le roman policier.

(Note du scripteur toujours aussi impertinent : ouf, on a eu chaud. Et si le policier n'était pas sa littérature de prédilection, que ferait l'auteur de rompols ?)

Ecrivez-vous par désir de montrer une autre facette de l'Afrique que celle décrite par les médias ?

Oui. Cf. première question à tertio.

(Note du... cela ressemble furieusement à un questionnaire en boucle genre jeu de passer par la case départ sans toucher les vingt mile dolars.)

Où puisez-vous vos histoires ?

Je ne me casse pas la tête à imaginer des trames complexes. Mes histoires sont vécues, puisées autour de moi ou dans ma communauté.

(Note du scripteur désabusé : à question passe-partout, réponse passe-partout. Bien fait pour le scripteur ).

Ecrivant en France, voyez vous l'Afrique avec le coeur, les entrailles, en avez vous une image fidèle et non idéalisée ?

Je ne suis pas un rêveur. Ni un poète. L'Afrique, je la prend telle qu'elle est, avec ses tares et ses problèmes, et les traite crûment, sans états d'âme, laissant au lecteur le soin d'apprécier. Mon regard sur l'Afrique n'a pas changé parce que je suis en France. Au contraire, la distance (le recul) me permet d'être encore plus lucide, d'autant que je ne vis pas les pressions (surtout morales) ni ne me laisse attendrir par la susceptibilité des miens. Comme Woody Allen avec les Juifs, je crois qu'une bonne critique se fait à l'intérieur même de la communauté.

(Note du scripteur rassuré : il fallait poser la bonne question pour que l'auteur s'épanche. La suite sera-t-elle aussi intéressante ?)

Pensez-vous qu'un écrivain, lorsqu'il met le doigt où ça démange, peut changer l'ordre des choses ?

Changer, non, mais influer. Sur la perception et les réactions futures du lecteur. Mes écrits sont ethnologiques. Je décris la face cachée, ou plutôt non connue, des miens afin de permettre aux gens de l'extérieur de mieux les connaître.

(Note du scripteur de plus en plus intéressé : justement le roman noir moderne a été inventé pour extérioriser ce que chacun, les hommes politiques en général mais aussi les petites gens, ressentent en face d'une inconnue qui lorsqu'elle apparaît au grand jour s'appelle racisme, ségrégationnisme, corruption, prévarication, et autres joyeusetés.)

Ecrivez-vous pour vous faire plaisir ou êtes-vous un témoin de votre époque ?

Les deux. Même si, pour « bien écrire », je peine au point de me demander pourquoi je me fais souffrir.

(Note du scripteur qui devrait aller voir son dentiste : c'est comme lorsque le trou dans la molaire ressemble de plus en plus à un garde-manger qu'on l'explore, quitte à rester sur sa faim).

Jetez-vous un regard dénué d'à priori sur ce qui se passe dans les banlieues ou en Afrique ?

J'habite la grande banlieue et suis d'origine africaine, donc... L'objectivité veut que l'on soit honnête avec soi-même quand on doit rendre compte. Les a priori faussent les regards, par conséquent, la prise de vue.

(Note du... : aurais-je dû poser ce genre de question ?)

Quelles sont vos passions ?

Je fais plein de choses, mais n'ai pas de passions particulières. Peut-être ce que je fais en ce moment. Ecrire. Mais est-ce une passion quand on écrit depuis longtemps ?

(Ultime note : écrire en ce moment ? Est-ce à dire répondre à mes questions plus ou moins tirées par les cheveux, ou ciseler la mouture du dernier roman ? Peut-être aussi que la passion s'émousse avec le temps !)
Le scripteur caustique s'excuse auprès de Achille Ngoye et pour se faire pardonner vous propose de vous replonger dans Yaba Terminus, Collection Serpent Noir n° 9, éditions Serpent à Plumes.

Yaba Terminus, c'est le nom de la longue nouvelle qui donne son titre à ce recueil de nouvelles. C'est aussi un hôtel minable situé dans un quartier déshérité de Lagos, l'ancienne capitale du Nigéria. Dans cette « résidence » pour réfugiés, pour immigrants congolais. Midy pensait pouvoir, avec l'argent récupéré sur le dos de sa parentèle, un lopin de terre vendu pour quelques dollars, partir en Europe, comme bon nombre de ses voisins. Mais c'est sans compter sur les mauvaises surprises, meurtres, mensonges, trafics et désirs en tous genres. Au sommaire dix nouvelles toutes plus noires les unes que les autres, écrites avec un humour féroce, caustique, par un auteur qui pose aussi bien son décor sans complaisance pour décrire les misères subies par ses compatriotes, ou les Africains en général,, que ce soit en Afrique ou en banlieue parisienne.

Sorcellerie à bout portant (couverture)

D'Achille F. Ngoye, on connaissait déjà Agence Black Bafoussa et Sorcellerie à bout portant, parus à la Série Noire. Il démontre ici dans ses nouvelles sa force d'écriture dans la peinture sociale d'une époque charnière, qui n'est plus le colonialisme tout en l'étant encore sous une autre forme.

Paul Maugendre

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