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Aniki mon frère

par Ludovic Lamarque

Takeshi Kitano s'exile. Après le meurtre de son chef par un clan rival, Yamamoto, un vieux yakusa, part  aux USA pour ne pas gêner un ami qui doit le tuer. Il reprend contact avec son demi-frère Ken (Claude Maki) qui deale avec un jeune noir, Denny (Omar Epps). Pour vaincre l'ennui, Yamamoto va les aider à se débarrasser d'un gang de mexicains, des Chollos, reprenant ainsi leur territoire. Ambitieux, ils vont éliminer tous les Mexicains du coin. Puissants et riches, ils s'allient avec un autre yakusa, Shirase (Masaya Kato); leur expansion contrecarre les affaires des ritals, s'ensuit une guerre de gangs sans merci...

Il a beau s'expatrier en Amérique, Kitano ne renonce pas à cette lenteur qui a fait son style; aussi lorsque la violence se déchaîne, on la prend de plein fouet. Aniki est peut-être le film le plus violent de l'année. Le massacre des mexicains lors de la négociation est assez emblématique, ils sont exécutés assis ce qui décuple la brutalité de la scène. Plus tard, extérieur nuit: le gros plan d'un noir suicidé dont un peu de sang sourd de la bouche, on perçoit la fusillade hors champ, les détonations évoquant à l'écran un orage. Du grand Art! Je pourrais aussi vous parler de la scène dans le hangar mais je vous laisse la découvrir par vous-même. Après la mort, thème de prédilection chez le cinéaste japonais, l'acculturation occupe une place importante dans le métrage ; Yamamoto ne parle pas un mot d'anglais, balançant des pourboires de 100 $ aux employés de l'hôtel dans lequel il est descendu. Les ethnies se mélangent, s'allient, se déciment, japonais, afro-américains, mexicains, ritals. Avec leur code, leur culture, leur lieu de vie, leur famille. Melting-pot de la violence. L'amitié qui se noue entre Yamamoto et Denny est belle car tragique; ils parlent peu,  ils jouent, Yamamoto triche sans arrêt; ils ne restent pas souvent ensemble dans le même plan, il y a peu de dialogues  et pourtant on ressent avec acuité cette amitié; Kitano est le seul actuellement à faire naître l'émotion et l'humour (voir la partie de basket ball) de la violence.
La mise en scène est d'un beau classicisme, alliant plans à la russe, champs/ contre- champs, plans américain, fondus au noir pour délimiter les parties, gros plans et détails pour saisir la vie, les petits riens. Les silences remplissent l'espace, Kitano parle de moins en moins, ses tics faciaux sont autant de répliques, mais comment arrive-t-il à tirer aussi juste?
Un grand polar. Un grand film, le meilleur du japonais.

Aniki mon frère (Etats-unis/Japon-2000) avec Takeshi Kitano, Omar Epps, Claude Maki, Masaya Kato, Ren Ohsugi, Susumu Terajima, Ryo Ishibashi, James Shigeta, Tetsuya Watari. Photographie de Katsumi Yanagijima, musique de Joe Hisaishi, produit par Jeremy Thomas & Masayuki Mori. Ecrit, réalisé et monté par Takeshi Kitano.

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