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l'ours-polar |
Le Bandeau rouge
De l'utilité de la Daube, face au bandeau (bandaube ?)
Tandis qu'en cette période de post-rentrée littéraire à plus de 500 bouquins les libraires rechargent les palettes de livres non déballées dans les camions qui leur avaient livré l'été dernier, cette rubrique d'avant-garde qui se propose avec sa modestie coutumière d'élargir l'horizon culturel des lecteurs de L'Ours Polar, va soudainement être contrainte d'aborder des notions de chimie (composition du papier), d'optique (effet de saturation visuelle). La Daubologie, science naissante ici dans ses colonnes mais néanmoins réservée à un grand avenir va-t-elle à cette occasion faire un saut quantique ? (1)
C'est bien possible.
Le sujet de ce trimestre est comme promis : le bandeau rouge avec cette Hypothèse de laboratoire : le rôle du bandeau rouge que nous collent les éditeurs à tout bout de champ sur les bouquins est-il un indice daubique ou est-il un indice non-daubique ?
Ce sera notre première démonstration. Car ce point est crucial.
En effet, les vertus du bandeau rouge telles qu'elles seront définies lors de notre première démonstration vont nous permettre de poser une seconde hypothèse dans nos cornues et nos tubes à essais : le bandeau rouge existe-t-il vraiment ou n'est-il qu'une hallucination collective et consensuelle, sinon la trace d'une rupture du continuum spatio-temporel ?
Car on pourra vraiment se poser la question.
Le vertige pourra nous saisir à l'issue de cette ultime démonstration. La raison de chacun pourrait en vaciller, mais fi : l'avancée de la Daubologie est à ce prix.
Indice daubique ou indice non-daubique ?
Avance lecteur entre les piles de livres en cette rentrée littéraire. Louvoie lecteur dans les allées du Salon de Fruhgiogtrr-sur-Mogree. Contemple lecteur les vitrines de la superbe librairie Szerckiol de Ghyyhjui-les-Defgjkes. Que vois-tu, là tout de suite ?
Des bandeaux rouges. Des monceaux de livres cernés d'un bandeau rouge.
Sur ceux-ci on pourra observer les mentions suivantes (liste non exhaustives) :
a) Le bandeau type « Grand Prix de » :
— Grand Prix 99 de Gffgrkjuli-en-Dgfggnb !
— Finaliste au prix Klloippm !
Lauréat du prix des lectrices de Chaussettes et point de croix, magazine.
b) Le bandeau annonçant le nouvel opus d'un auteur :
— Le nouveau Maurice Duazset !
c) Le bandeau rappelant que le livre précédent de l'auteur était meilleur ou qu'il s'était vendu (au point parfois de mériter un bandeau après coup) :
— Par l'auteur de "OK pour la pipe, mais éteint STP !"
d) Le bandeau signalant que l'auteur à jadis eu un bandeau :
— Par l'auteur du Prix 1907 de Juiloioo-sous-Meers
e) Le bandeau attirant l'attention sur le fait que le livre a attiré l'attention de quelqu'un (à une époque où il n'avait pas encore de bandeau) :
— Sélectionné au prix des Nouilles Fuyygh !
f) Le bandeau signalant la pertinence de la critique :
— "Poilant!", Maisons et Jardins
g) Le bandeau signalant que le livre a un auteur :
— Albert Thyrioup !
h) Le bandeau signalant que le livre se vend :
— Déjà 123 exemplaires vendus !
i) Le bandeau résumant énormément le livre (à cause de la place dont il dispose) :
— Une histoire d'amour !
— Un polar urbain !
j) Le bandeau signalant que le livre est un livre différent des autres livres (c'est-à-dire qu'il appartient à un genre particulier):
— Autofiction !
— Maussadisme !
— Clitoridien !
k) Le bandeau pour montrer que ce livre n'a jamais été publié, mais que maintenant c'est fait pour des histoires de fric :
— 34e année de censure !
— Interdit !
— Enfin publié !
Etc. Etc.
Bref, tous ses bandeaux sont-ils des indices daubiques ou non-daubiques ? (Attention on rentre dans le vif du sujet).
1) Eléments de réflexions au tâtage.
La qualité du papier des bandeaux ne permet hélas pas de le déterminer. Si les plus beaux étrons sont emballés dans du papier de soie ainsi que le sait si bien l'homme de la rue (et la femme aussi, ok, la parité, ok), ce n'est de fait, pas le cas. La matière -glacée- ne permet pas les sensations d'un "parfum rose pure ouate de cellulose". C'est d'ailleurs regrettable car pour quelques bouquins à bandeaux qu'ont finit par lire d'une fesse distraite, les fournitures de ce type seraient parfois bienvenues.
Si le livre est de qualité, car cela arrive, le bandeau en papier glacé ne permet pas de le déterminer non plus à cause des éléments de réflexion qui suivent :
2) Eléments de réflexions, réflexion faite.
Reprenons les cas un par un :
a) Le bandeau type "Grand Prix de" : ça ne veut rien dire. Il y a chaque jour dans le monde exactement 1457852 prix littéraires et 47845895614785 livres qui sortent. Les jurés d'un prix n'effectuent leur choix que sur une dizaine de livres à la fois. Il leur manque donc 47845895614775 points de comparaison. Par ailleurs s'ils ont choisi dans dix daubes, il y a de fortes chances que le livre qui a eu le prix soit toujours une daube.
b) Le bandeau annonçant le nouvel opus d'un auteur : ça ne veut rien dire. Depuis son dernier livre l'auteur a été renversé par un solex.Il a subit une trépanation et ne pousse plus que des vagissements en se faisant dessus. Son deuxième livre est-il forcément bon ? On peut en douter.
c) Le bandeau rappelant que le livre précédent de l'auteur était meilleur ou qu'il s'était vendu (au point parfois de mériter un bandeau après coup) : voir ci-dessus.
d) Le bandeau signalant que l'auteur à jadis eu un bandeau : voir ci-dessus.
e) Le bandeau attirant l'attention sur le fait que le livre a attiré l'attention de quelqu'un (à une époque où il n'avait pas encore de bandeau) : Voir l'axiome ci-dessus du bandeau type "Grand Prix de".
f) Le bandeau signalant la pertinence de la critique : procurez-vous L'Ours en Daube qui traitait de la critique et du bien qu'on en pensait. Je ne réexplique pas (2).
g) Le bandeau signalant que le livre à un auteur : cette information, présente sur la couverture, vient en confirmation de ce qu'on pensait sur le livre. A savoir : l'auteur de ce livre en serait bien l'auteur. Ce bandeau ne nous fournit aucun indice daubique.
h) Le bandeau signalant que le livre se vend : on sait que ce qui se vend n'est pas toujours synonyme de qualité. Prenons par exemple : Lara Fabian. Bien sùr, elle n'écrit pas de polar, mais si elle le faisait, ça se vendrait et il est probable que ça serait pas très bon parce qu'elle est chanteuse, et que déjà, ça lui donne suffisamment de mal. (3)
i) Le bandeau résumant énormément le livre (à cause de la place dont il dispose) :
C'est pas parce un livre narrant une histoire d'amour a un bandeau marqué "histoire d'amour" que ce n'est pas de la daube. Je sais ça mouline, là, la daubologie, mais excusez du peu, la science c'est 10% d'inspiration et 90% de transpiration. Par ailleurs l'empirisme expérimental c'est ça aussi : on se répète. Combien de types se sont fait sauter la tronche avec leur chimie 2000 avant d'arriver à synthétiser la limonade ?
j) Le bandeau signalant que le livre est un livre différent des autres livres (c'est-à-dire qu'il appartient à un genre particulier): voir juste ci-dessus.
k) Le bandeau pour montrer que ce livre n'a jamais été publié, mais que maintenant c'est fait pour des histoires de fric. Deux cas : soit il n'était pas publié parce que c'était de la daube et auquel cas le fait qu'il soit enfin en rayon n'est pas un plus : il est probable qu'il soit resté en l'état (désolé). Soit il était censuré pour des histoires morales, politiques etc. et ça ne veut pas dire que ce n'est pas de la daube. J'ai au moins deux noms qui me viennent à l'esprit mais je suis pour la liberté d'expression. Quand je vois ces deux noms, je m'approche de mon Daubator (TM) et le bandeau y passe avec. Sur ce coup-là, c'est pas au bandeau qu'on le sait, c'est hélas à l'usage et il est à craindre que les avancées en daubologie ne soit encore que trop embryonnaires pour lutter contre ça : l'escroquerie intellectuelle utilisée parfois dans les appels à la liberté d'expression.
Bref : il est impossible avec un bandeau de quel type que ce soit de savoir si un livre mérite ou non le Daubator (TM).
Bref : il est donc pertinent de s'interroger sur le rôle du bandeau (car s'il ne fournit aucun indice daubique à quoi sert-il?), voire sur les intentions de l'éditeur. Et notre deuxième démonstration amène à penser que nous nous heurtons à nombre de paradoxes ou d'impasses desquelles pour nous en sortir, nous ne pouvons que nier la réalité du bandeau.
Vertige : Ben alors, le bandeau existe-t-il ou n'est-il qu'une hallucination collective et consensuelle ?
Que remarquons-nous quant au rôle du bandeau dont on sait déjà qu'il n'est pas un indice daubique ?
1) D'abord, (mais même si le problème est grave ce n'est pas le notre) on notera que si un livre répond à tous les critères précédemment évoqués (Gd Prix + nouvel opus + Poilant ! + Censuré ! + etc.), le bandeau qui devrait recenser toutes ces caractéristiques affriolantes serait d'une hauteur supérieure à l'ouvrage lui-même. Du coup un livre qui accumule tous les honneurs pourrait donc se voir mis en pile sans bandeau. Ce qui serait génant et paradoxal (mais les raisons techniques, de coûts ou de lisibilité de la couverture sont évidentes). Auquel cas, on peut lui mettre une jaquette avec les slogans (le grand bandeau remplirait cet office) et pour le distinguer des autres livres à jaquette, ajouter au-dessus de la jaquette, un bandeau normal.
2) Ce qui frappe, c'est que selon l'adage, trop de bandeau tue le bandeau. Imaginez une librairie où tous les livres auraient un bandeau : l'effet-bandeau escompté s'annule (c'est notre partie optique). Et du coup, si aucun livre n'avait de bandeau, ce serait pareil. D'autant qu'on peut décemment imaginer que chaque livre est différent à la base (c'est pourquoi chacun a été publié) et qu'il est intéressant aussi (c'est pourquoi il a été publié aussi -enfin tout ça c'est dans un monde idéal).
Auquel cas : à quoi sert le bandeau, dans un monde de livres tous différents et susceptibles d'être tous aussi intéressants ?
Il est possible qu'il ne serve strictement à rien. D'aucuns nous rétorqueront : alors pourquoi nous administre-t-on des bandeaux ?
Reprenons les cas :
a) Le bandeau type "Grand Prix de" : l'éditeur informe que ce livre a eu un prix. Or, l'éditeur sait pertinemment comme nous (voir plus haut) que cela ne signifie rien. Il essaie de nous faire croire le contraire. L'éditeur nous mentirait-il ? Nous n'osons pas le croire puisque l'édition est un artisanat, effectué par des petites mains passionnées qui n'ont pour seul souci que de faire découvrir à fonds perdu des talents sans artifice et sans nous bourrer le mou. Le bandeau type "Grand Prix de" est donc un effet de notre imagination.
b) Le bandeau annonçant le nouvel opus d'un auteur. L'éditeur se doute bien que si on a aimé un livre, on se souvient du titre. Or, sous le nom d'un auteur connu le lecteur lit un autre titre. L'éditeur pense-t-il que le lecteur est si con qu'il croit que c'est toujours le même livre ? Non, c'est impossible. Le bandeau annonçant le nouvel opus d'un auteur est un effet de notre imagination.
c) Le bandeau rappelant que le livre précédent de l'auteur était meilleur ou qu'il s'était vendu (au point parfois de mériter un bandeau après coup) : l'éditeur vend un livre avec ce bandeau en vantant les vertus d'un autre livre, précédent. Cela signifierait-il que ce second livre est moins bon ? Non évidemment. L'éditeur ne ferait jamais ça. Le bandeau rappelant que le livre précédent de l'auteur était meilleur ou qu'il s'était vendu (au point parfois de mériter un bandeau après coup) est un effet de notre imagination.
d) Le bandeau signalant que l'auteur a jadis eu un bandeau : l'éditeur estimerait-il que parce qu'un auteur a eu un prix en 1907 et sachant ce qu'on pense des prix, le lecteur sera persuadé que l'auteur continue d'écrire de bons livres ? Non, ce serait présumer d'une absence de sens critique du lecteur. Le bandeau signalant que l'auteur a jadis eu un bandeau est un effet de notre imagination.
e) Le bandeau signalant la pertinence de la critique : l'éditeur qui a lu l'Ours Polar traitant dans la rubrique L'Ours en Daube sait maintenant ce que la France Entière (lectorat de l'Ours Polar, NDLR) pense du rôle de la critique (2). Croit-il que nous nous fions aux critiques ? Non, évidemment. Le bandeau signalant la pertinence de la critique est un effet de notre imagination.
f) Le bandeau attirant l'attention sur le fait que le livre a attiré l'attention de quelqu'un (à une époque où il n'avait pas encore de bandeau) : l'éditeur croit-il que nous sommes si bêtes que nous nous dirons « Les Nouilles Fuyygh adorent, j'adore les nouilles au gratin, j'achète ce livre ». Nous croit-il si influençables ? Non évidemment. Le bandeau attirant l'attention sur le fait que le livre a attiré l'attention de quelqu'un (à une époque où il n'avait pas encore de bandeau) est un effet de notre imagination.
g) Le bandeau signalant que le livre a un auteur : l'éditeur pense-t-il que nous ne savons pas lire le nom de l'auteur sur la couverture (ou que nous sommes bigleux?) ? Essaierait-il de vendre des livres à des analphabètes ou des aveugles ? Non évidemment. Le bandeau signalant que le livre a un auteur est un effet de notre imagination.
h) Le bandeau signalant que le livre se vend : l'éditeur pense-t-il que parce qu'il se vend chaque jour des millions de brouettes de par le monde, je vais donc décider d'acheter une brouette pour faire comme tout le monde ? Non évidemment. Le bandeau signalant que le livre se vend est un effet de notre imagination.
i) Le bandeau résumant énormément le livre (à cause de la place dont il dispose) : l'éditeur pense-t-il que je suis incapable de juger de quoikicause ce foutu bouquin en feuilletant ou en lisant la traitresse quatrième de couverture ? Non évidemment. Le bandeau résumant énormément le livre (à cause de la place dont il dispose) est un effet de notre imagination.
j) Le bandeau signalant que le livre est un livre différent des autres livres (c'est-à-dire qu'il appartient à un genre particulier) : l'éditeur pense-t-il que je n'achète que les aliments sucrés, que des boissons à bulles et jamais rien d'autre ? Et que je ne suis pas capable de m'apercevoir si ceci est sucré et cela est salé. Non évidemment : Le bandeau signalant que le livre est un livre différent des autres livres (c'est-à-dire qu'il appartient à un genre particulier) est un effet de notre imagination.
k) Le bandeau pour montrer que ce livre n'a jamais été publié, mais que maintenant c'est fait pour des histoires de fric : l'éditeur croit-il que j'achète des livres pour que la profession ait bonne conscience tout en se faisant un max de pognon ? Non évidemment. Le bandeau pour montrer que ce livre n'a jamais été publié, mais que maintenant c'est fait pour des histoires de fric est un effet de notre imagination.
CQFD de la leçon du jour :
soit les bandeaux n'existent pas. Preuve en est que nous lecteurs, sommes de grands malades.
— soit ils existent (si vous admettez leur existence, ou restez persuadés de), et ils ne sont pas des indices daubiques.
C'est là que la Daubologie fait un saut quantique : en effet, posons un nouvel axiome :
de la même façon qu'en matière de communication dévoyée et ainsi que l'a dit Marshall Mc Luhan, à savoir, « Le médium EST le message » (4),
le bandeau EST la Daube.
Ce qui laisse à penser.
Bon, reprenons nos gouttes.
1 - Le saut quantique est à ne pas confondre avec le sot cantique, entonné souvent par une matrice schyzotrope (Ceux qui savent de quoi je parle comprendront ce que je veux dire).
2 & 2 bis - Depuis, moi qui vous parle, j'ai eu des supers critiques pour mes bouquins et j'étais bien content. Je m'en tire donc bien et depuis j'essaie de récupérer tous mes articles sur ce sujet en circulation. Y'a que les idiots qui ne changent pas d'avis, non ? (pffffouuuu).
3 - J'ai des potes dans les milieux littéraires aussi je ne peux pas donner d'exemples.
4 - On en parle hélas pas chez Dantec, sinon j'aurais pu développer davantage les théories de ce penseur.