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Agendas du
père de Furtwängler

Ce texte provient des agendas du père de Furtwängler, l'archéologue Adolf Furtwängler, qui sont actuellement la propriété privée de Elisabeth Furtwängler. Il ne s'agit pas d'un texte littéraire mais d'idées jetées sur le papier, créant ainsi un style quelque peu chaotique. Les phrases coupées et très courantes ainsi que les passages du temps passé au temps présent des verbes - et inversement - reproduisent le texte original qui a été publié entre autres dans les « Wilhelm Furtwängler-Tage », 1er cahier, Jena, 6-9 novembre 1997


Wilhelm
De l'automne 1900 à septembre 1901

a) Progrès physiques, développement intense, pleine puberté. Voix grave, pomme d'Adam, malheureusement nez rougissant et s'épaississant - cheveux blonds très épais - la moustache blonde désormais très visible et un début de duvet au menton. Vigoureux : des bras longs et forts, il sera décidément plus fort que moi. Mai 1901 : habillé, il pèse déjà 68,5 kg.

b) Au niveau spirituel, la musique : de nouveau un développement prononcé, en particulier une surprenante maturité de jugement. Maintenant le processus conscient de la pensée, de l'analyse, d'aller au bout de la forme. Ceci empêche évidemment la liberté de sa propre production qui désormais s'amoindrit. Le principal est qu'il se développe hors du romantisme et qu'il le laisse derrière lui. Brahms et Schubert - qu'il a tant vénérés - ont moins d'importance que Beethoven qui arrive au premier plan. Maintenant il étudie davantage Beethoven, connaît bientôt ses symphonies et à Tanneck apprend aussi rapidement les dernières sonates, le tout presque par coeur.

Il reconnaît la valeur de la forme établie. La musique n'est pas du tout pour lui l'expression de ce qu'il ressent - ce qu'il rejette complètement - mais la formation de pensées musicales dans des formes établies et fixes. Désormais il juge ses anciennes compositions trop brahmsiennes et est d'une sévérité sans répit envers lui-même. La tendance moderne qu'il peut maintenant connaître à fond en de nombreuses occasions, est tout le contraire de sa quête et il la méprise. Selon lui, la théorie qui veut que la musique exprime des choses bien définies n'est que du bavardage stupide de gens qui ne connaissent pas du tout la musique. Tout ceci fait partie chez lui d'un développement sans aucune influence extérieure. Il est indépendant dans toute sa façon de poursuivre sa propre voie, poussé par une nécessité intérieure.

On jouera chez nous son merveilleux trio pour piano écrit l'an dernier, qui continue de révéler ses beautés à chaque nouvelle écoute (Riezler violon, Waldhauer violoncelle). Nous aurons des invités connus. Cornelius m'a convaincu d'envoyer le trio au vieux Simrock qui l'a retourné avec une lettre très stupide, où il dit qu'un musicien y a raté la modernité !

Il me joue ses motifs merveilleux et répète tout le temps que ça ne lui convient pas - il veut d'avantage et mieux - il se plaint de manquer d'idées - mais lorsqu'il se laisse aller à la fantaisie, il est plein d'une inventivité qui permettrait à d'autres de « cuisiner de grands plats » mais chez lui, ça ne tient pas du tout. Il ne l'estime pas - il n'a devant lui que l'absolu beethovénien et là, rien ne lui suffit.

Willi joue la partie de second violon du quatuor à cordes de Haydn ainsi que les sonates pour violon de Mozart. Prend régulièrement deux heures de leçon de violon et apprend la technique du piano avec Madame Sulzer ; apprend le contrepoint chez Beer. Une fois par semaine, il apprend beaucoup de choses nouvelles sur partition chez Dohrn. Nous restons fidèles à l'enseignement privé qui respecte le mieux l'indépendance de Willi, qui le veut ainsi. Désormais il manque du support d'une école, mais il en a pas besoin et est assez fort tout seul.

Puisque, à la fin de septembre, je dois me rendre à Egine, je décide de l'emmener avec moi pour lui faire découvrir de nouvelles impressions. Toutefois, pendant le voyage, il n'était pas très ouvert au monde extérieur, trop occupé par ses propres pensées. Correspondance avec sa Bertel. Les poèmes de Goethe et ses lettres en poche. Insatisfait de lui-même. Sentiment de pouvoir saisir de manière immédiate ce haut objectif tant recherché. A Egine, il essaye d'écrire une fugue dans le dernier mouvement de son sextuor. Mais il n'y arrive pas. Au lieu d'observer le pays et les gens, il est replié sur lui-même. Il a amené les quatuors de Beethoven et les lit. Le style des derniers quatuors, en particulier la fugue, représentent pour lui l'idéal.

Le voyage lui apporte par ailleurs une quantité de nouvelles et importantes impressions et il rentre à la maison requinqué.

Hiver 1901/2 et été 1902

Enseignement du grec comme auparavant chez Curtius. Dänzler commence à lui apprendre l'histoire, les mathématiques et à écrire des essais qui révèlent le mieux sa maturité spirituelle. C'est étrange comme il est différent de ce que j'étais moi-même à cet âge : rien de cette immaturité exubérante, mais tellement plus clair, plus calme, plus raisonnable et aucun laisser-aller avec les sentiments. Jugement décidément mûr et pensée indépendante.

Nous nouons des relations avec Schillings qu'il aime aller écouter, et entend tout autre chose qu'il intègre sans perdre de vue sa propre voie. Schillings lui explique que ce qu'il veut est impossible mais W. ressent et sait que c'est possible et qu'il peut l'atteindre. Impatient de pouvoir le démontrer.

A Florence, il a commencé une grande symphonie. Il rejette une quantité infinie de ce qui ne lui plaît pas. Il rêvasse à merveille, de manière très fermée et claire dans la forme, un motif étant déterminé et d'une polyphonie toujours très puissante. On dirait que c'est impossible que ce soit improvisé, tellement ça nous frappe de manière établie et terminée. Seulement lorsqu'on lui demande de quoi il s'agit, il dit : « Rien. - Vous ne pouvez pas comprendre comme mes compositions sont meilleures que ça ! » Si au moins il voulait le mettre davantage par écrit. Il manifeste la même sévérité et la même réticence à se faire éditer. Il veut faire imprimer uniquement un choeur et un lied, mais pas du tout le reste qui ne le satisfait pas. Une telle sévérité à un si jeune âge ! Il ne lit que des choses sérieuses et grandioses. Goethe. Shakespeare encore et encore. Surtout le Faust.

Eté 1902 - 1903

Physiquement fort, pas de maladie. La barbe pousse de plus en plus. Le nez reste malheureusement encore un peu gros et proéminent. La partie inférieure du visage un peu faiblarde. Un manque d'énergie dans la mâchoire, très visible quand il mange; il mange très lentement. Dans sa façon de marcher, parfois une certaine mollesse. Toute son allure manque de vivacité ou d'un côté ouvertement victorieux. Mais quand il le faut, il est très habile et énergique. Toujours modeste et simple. Comme un homme de l'antiquité - je suis seulement attristé du fait de ne voir aucun élan victorieux en lui - lorsqu'il vient de jouer les choses les plus merveilleuses, il fait toujours comme si ce n'était rien.

Oui, il dit que dans la musique il n'y a plus rien de nouveau à trouver. Beethoven a déjà tout fait et quoi qu'on fasse, ce n'est que de l'imitation du Beethoven tardif. Il ne montre non plus aucune trace d'ambition, aucun élan à se faire connaître et à manifester sa force. Mais il sait parfaitement qu'il peut ce que personne d'autre ne peut et aucun musicien vivant ne l'impressionne véritablement.

L'année s'est passée sans voyages et donc au calme. Maintenant il a arrêté les leçons, prend seulement des leçons de violon et de piano chez Madame Sulzer. Puis il se rend régulièrement chez Schillings avec qui il discute de choses et d'autres et apprend à diriger. Au printemps il s'est remis à composer avec élan.

Il pratique son piano régulièrement toute l'année, si bien qu'il fait des progrès importants. Il joue merveilleusement bien les dernières sonates de Beethoven. Il joue du violon et de l'alto dans des quatuors, parfois même chez nous à la maison.

Septembre 1903 à mai 1904

Début novembre 1903, on devait jouer sa 1e symphonie à Breslau. Il s'y rend pour assister aux dernières répétitions. Stupidement, Dohrn n'a pas eu le courage de le laisser diriger lui-même. A Breslau, il souffre d'un mal de gorge et assiste donc à une seule répétition qui se passe très mal. J'arrive à Breslau le jour du concert. Il a pu quitter le lit et venir avec moi.

Personne ne savait quoi que ce soit sur Willi : on était dérangé par cette musique et on ne savait pas quoi faire avec; on a applaudi modérément et comme on me l'a dit plus tard - mais je n'avais pas entendu - on a aussi beaucoup sifflé. W. n'a rien laissé entrevoir; avec le plus grand calme et la tête haute, il sortit - incompris et sifflé - ça ne l'a pas du tout touché. Puis arrivèrent les critiques - l'une particulièrement méchante du critique principal (du Schlesische Zeitung) qui avait quelque chose contre Dohrn et profita de l'occasion et fit de Willi un bouc émissaire. W. resta quelques jours de plus à Breslau, encore un peu souffrant.

Puis voyage à Berlin. Nous voulions que W. fasse la connaissance, au moins une fois, des cercles berlinois; nous pensions que là, sa musique serait comprise. Il devait aussi assister à des cours à l'Université. Hormis une petite pause à Noël, W. resta à Berlin et vécut pour la première fois seul dans la Augsburgerstrasse 19.III. Berlin ne lui plut pas du tout. Il trouva les conditions musicales très mauvaises, aucun jugement indépendant et frais, uniquement du « réchauffé faiblard sur de vieux rails ». Surtout Joachim fut une grande déception. On l'avait prié d'écouter le quatuor de Willi : après avoir reporté longtemps, enfin il le fit en janvier ou février ; W. le lui joua, il ne l'écouta même pas entièrement et interrompit W. et dit que c'était un non-sens et pas de la musique ou quelque chose comme ça. Incroyable - ce monsieur est âgé et limité et pourtant... - il n'est pas possible qu'il ait compris le dernier Beethoven, s'il ne s'est pas aperçu qu'ici, quelqu'un avait vraiment poursuivi dans sa voie. Incroyable, une telle sensibilité grossière qui n'a pas remarqué le raffinement intérieur, transcendant et profond, qui s'adressait, avec ce quatuor, à toute personne réceptive. C'est le meilleur quatuor jamais écrit depuis Beethoven, Willi le sait très bien et Joachim n'a pas du tout entamé cette certitude. Willi supporta cette déception avec un calme et une tranquillité qui sont la preuve d'une supériorité et d'une assurance intérieure absolues. C'est toujours tellement différent de ce que veulent les autres. Reconnaître et ressentir cela fut l'un des bienfaits essentiels pour W. pendant son séjour berlinois. Il est évident qu'il en fut très déprimé.

Je me demande maintenant souvent si nous avons bien fait de ne pas le présenter au public dès sa tendre enfance, car son succès aurait été facile et assuré, tandis que maintenant, il est tellement plus difficile à atteindre. Personne ne l'aide de manière désintéressée - seulement de l'opposition et de l'indifférence et une certaine méfiance face à sa façon d'être si éloigné de la tendance actuelle - s'y ajoutent sa modestie, sa timidité et son incapacité à se valoriser. Maintenant il faut être patient. Nous ferons publier uniquement quand il y aura un succès garanti par un concert. Mais ça fait mal de voir d'autres gens très jeunes, de misérables beaux parleurs, qui avancent avec leur musique et qui sont joués avec succès. Pourtant W. supporte tout ça avec un calme incroyable. Et c'est peut-être mieux pour son développement s'il doit se battre. Il n'est plus parvenu à cette facilité et à ce charme qui étaient la marque de sa musique avant la crise autour de 1901/2 - seulement parfois dans des fantaisies. Sa musique maintenant est réfractaire, âpre, mais profonde et imposante.

Pour le moment il n'a aucune envie de diriger ou de faire quoi que ce soit de concret. Si ce n'est pas nécessaire, laissons le continuer ainsi.

Mai 1904 - août 1906

A l'été 1904, nous avons laissé W. partir avec Harald et Wolf Dohrn en Russie, dans la propriété du père de Madame Dohrn - un long voyage - nous espérions que cela lui apporterait le sommeil ; mais ça a peu marché ; nous nous faisons des soucis pour l'insomniaque - et W. lui-même en est très déprimé. Il n'est pas pris à l'armée. En 1904 il a dû passer « l'examen d'un an » (Einjährigenprüfung *) - Grâce à Georg Dohrn, Addy lui a trouvé un poste de co-répétiteur au théâtre de Breslau. Il commence à l'automne 1905 mais quitte à Noël 1905/6. Il passe l'hiver 1904/5 à la maison. A l'été 1905 il accepte l'invitation de son ami von Glenau (un compositeur danois) et se rend au Danemark, au bord de la mer du nord, près de Hellebaeck. Même là l'insomnie persiste. - Il n'est pas accepté non plus à l'armée en 1905.

* Einjährigenprüfung : c'est pour la plupart un an de service volontaire à l'armée qu'on faisait si on voulait éviter d'être recruté avec les troupes populaires (et si on pouvait se le permettre). Après cette année on devenait lieutenant.

Toute une série de déceptions - de plus, Mottl sur qui nous avions nourri tant d'espoirs, reste très courtois mais avec une certaine réticence envers Willi - n'écoute rien de lui - survole rapidement un manuscrit (une oeuvre chorale) et affirme que son instrumentation est impraticable - Schillings n'a aucune envergure et n'a pas le courage d'intervenir en faveur de W. La clique de Munich ne veut pas le faire sortir de l'anonymat - maintenant nous nous rendons de plus en plus compte de notre naïveté à ne pas l'avoir fait parvenir à un succès assuré auprès du public pendant son enfance. Tous se mettent à genoux seulement devant le succès public. - Nous étions réticents et personne n'a su bien nous conseiller - personne qui était au courant de ces choses et qui était bien intentionnée - les gens bien intentionnés ne connaissaient pas le monde.

Il aurait pu avoir un poste et aurait été unique - car ce qu'il faisait dans son enfance était tout à fait unique et maintenant il est contraint de « poireauter » à côté de misérables « bousilleurs », et personne ne semble voir la différence. Et lui, il supporte tout ça merveilleusement bien. Ce furent des années dures et amères. Mais à Breslau, il put quand même exercer quelque pratique. Lorsqu'il rentra à la maison à Noël 1905, il nous surprit par sa décision de vouloir se lancer. Et notamment de devenir chef d'orchestre.

Accord avec l'orchestre Kaim. Willi pourra devenir le chef de l'orchestre Kaim si son concert a du succès. Mais Kaim l'a abusé, retenant son chef du moment et n'en parlant à W. qu'après le concert. Le concert nous a coûté plus de 1400 M. - Jusque là, W. n'a jamais eu la possibilité de diriger. Et maintenant, uniquement trois répétitions ! De plus, il choisit la difficile Neuvième de Bruckner en plus du mouvement de sa propre symphonie. Concert en février - la salle était pleine et le succès fut grand, bien que sa propre composition n'a pas du tout été comprise et que la critique resta très retenue. Personne n'osa dire ce que la majorité remarqua : que c'était un type grandiose et impressionnant.

Quel merveilleux sentiment ce fut pour nous de voir W. diriger pour la première fois. J'ai assisté aussi à la générale. Avec quelle puissance W. se plongea dans son travail, avec quelle liberté et quelle grandeur, quelle fraîcheur et quelle force, avec quelle violence il sortit de sa coquille - ce fut un spectacle unique - le jeune garçon tranquille et timide qui, d'un coup, devient un homme, avec une force irrésistible. Naturellement il exagérait ses gestes de manière très juvénile; mais quel spectacle délicieux ! L'orchestre était mauvais mais fit son possible. Il avait même réussi à enthousiasmer ces pauvres musiciens. Mais après le comportement de Kaim, W. chercha un autre poste.

Addy et W. vont à l'agence de concerts à Berlin. Il trouve enfin un poste de troisième chef et de co-répétiteur au Stadttheater de Zurich. - On demande à W. combien il veut gagner par mois, il répond de 80 à 100 M. - on lui en donne 100 - il aurait pu demander 200 francs !

Compositions de cette époque : le choeur extrait de la scène finale du Faust - merveilleux - une sensibilité très enlevée - mais pour l'exécution, les parties vocales sont trop difficiles et l'instrumentation n'est pas commode, tout est orienté vers le spirituel. - Il retravaille la Festouverture qui lui avait procuré l'insomnie au printemps 1904, mais encore une fois, l'abandonne.

Au printemps 1905 il achève le merveilleux et grandiose mouvement symphonique qui sera joué en concert - en 1906 achèvement de la symphonie. Et en 1905, ébauche d'un grand Te deum qui vient d'être joué maintenant, en 1906, à Tanneck. Maintenant il travaille lentement, apportant sans cesse des changements, toujours à la quête d'une forme encore plus claire. Sa musique avec cette même sensibilité intense et imposante, qui remue tout et dont le flux ne s'écoule jamais large et tranquille. Elle suppose un public capable de partager cette sensibilité - sinon elle reste inaccessible. Malheureusement, il laisse le piano de côté - les plus belles fantaisies, il ne les utilise plus.

D'où lui est venue cette décision subite d'entrer dans le monde réel et de devenir chef d'orchestre ? Est-ce que cela a à voir avec Mlle Bertele qui évidemment le pousse au mariage ? Ils sont venus deux fois à Tanneck cet été - elle, très gentille et aimable - il l'a amenée aussi à Salzbourg. Mais il ne semble pas du tout pressé. Pourtant, les deux semblent inséparables.

Aucune de ses compositions n'est encore publiée. C'est pour cela qu'il n'a pas de succès ou mieux, il veut se produire avec l'oeuvre totalement achevée et rien n'est assez bon pour lui. C'est tellement dommage pour les choses merveilleuses qui sont ici et que personne ne connaît.

Son temps de travail est court car il doit être prudent à cause de son insomnie. Il se lève toujours tard, puisqu'il veille beaucoup la nuit et dort tard le matin. Le moment idéal pour composer est juste avant midi. Le soir, il doit éviter tout ce qui est susceptible de l'exciter.

Avril 1907

Suis allé voir W. à Zurich au mois d'octobre 06. Comme il est sorti tout frais du théâtre ! Je n'aurais jamais cru qu'il puisse tellement s'épanouir avec une activité si extérieure ; et il prend ses tâches tellement au sérieux. Mais il n'est que le troisième chef et n'a affaire qu'aux cuistres habituels du théâtre ; il ne se lie pas avec les meilleurs cercles de Zurich et se mettre en avant n'est malheureusement pas son fort. Et ainsi, il ressent quand même comme un poids le fait de devoir faire quelque chose d'indigne dans une ambiance indigne. Pourtant, il est sous tension toute la journée et il ne lui reste pas de temps pour s'occuper de lui. Le sommeil lui donne encore des problèmes.

Dommage qu'il écrive si peu et qu'il soit si maladroit lorsqu'il s'exprime. Ainsi, de telles facettes de sa riche vie intérieure ne laissent aucune trace. Si au moins il achevait et publiait ses compositions et essayait de garder aussi des choses moins importantes.

Septembre 1907

Tout l'été avec nous : travaille à sa symphonie aussi à Tanneck - apportant sans cesse des modifications - dort mal, pire qu'à Zurich. - Créer des relations personnelles, se montrer aux autres et achever ses oeuvres anciennes - il ne le fait pas et on ne peut pas le forcer. Au mois d'automne il voulait repasser son examen d'un an (Einjährigenprüfung), mais on l'a à nouveau refusé. Et, en effet, il est trop affaibli en ce moment, depuis longtemps il n'est plus le même qu'avant. Ne supporte aucun effort. Un chagrin très profond pour nous tous ? Est-ce que ce serait une bonne chose pour lui que de se marier rapidement ? Il ne semble pas du tout y songer. Il ne souhaite que se rétablir et dormir de nouveau normalement.


Adolf Furtwängler (1853-1907) mourut le 9 octobre 1907 à Athènes.

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